Quel est le profil des 402 patients inclus dans l'essai clinique clandestin mené dans l'abbaye de Sainte-Croix, près de Poitiers ? Des personnes coupées pour la plupart du suivi médical classique selon le Pr Philippe Damier, neurologue au CHU de Nantes, qui a été un des premiers à alerter l'Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM).
LE QUOTIDIEN : 402 patients ont été inclus dans un essai destiné à tester l'efficacité d'un patch contre un large éventail de maladies neurologiques. Comment ces patients ont-ils été recrutés ?
Pr PHILIPPE DAMIER : Les patients atteints de maladies neurodégénératives s'informent beaucoup sur Internet où ils recherchent activement des traitements. Ils ont pu visionner les vidéos et le site du Fonds Josefa [l'instigateur de l'essai, NDLR] de cette manière.
Par ailleurs, le co-instigateur de cet essai, le Pr Joyeux, donne beaucoup de conférences et des patients sont allés à sa rencontre à cette occasion1. Si l'on étudie le profil des patients recrutés dans l'essai, on voit que les instigateurs n'ont pas cherché à cibler un type de pathologie mais qu'ils ont laissé venir à eux une grande variété de malades : des schizophrènes, des parkinsoniens, des patients atteints de la maladie d'Alzheimer…
En dehors de la maladie dont ils sont atteints, que sait-on du profil de ces volontaires ?
Les patients atteints de maladies neurodégénératives sont très sensibles au discours du « traitement miracle ». Ceux qui ont participé à l'essai ont, de surcroît, une psychologie particulière : ils sont très convaincus du bien-fondé de l’essai. En général, ce sont des malades un peu coupés du circuit de soin classique, que l'on voit peu dans les consultations.
Cela explique qu'on en ait peu croisé depuis le début de l'essai. D'autant qu'il a été demandé aux patients de ne pas parler à leur médecin traitant de ce traitement. Il a même été exigé à certains d'entre eux de réduire voire d'arrêter leur traitement, risquant un syndrome de sevrage qui peut aller jusqu'au décès. Certains sont prêts à assumer une aggravation de leurs symptômes car ils sont persuadés que ce traitement va, à terme, fonctionner.
De tels patients seront-ils faciles à « récupérer » par les médecins ?
Ce sera délicat. Pour commencer, nous ne disposons pas de la liste exacte de ces participants. Ensuite, il va falloir se montrer aidant, sans attaquer trop frontalement la démarche qu'ils ont faite, pour ne pas se couper de ces patients. Ils pourraient nous accuser de faire le jeu des laboratoires pharmaceutiques en « empêchant le développement de traitement efficace ».
La chronologie des faits
Fin 2018 : plusieurs patients interpellent l'association France Parkinson, affirmant avoir reçu des demandes de dons de la part du Fonds Josefa, en vue du développement d'un traitement des maladies neurodégénératives par la valentoline.
Mai 2019 : France Parkinson alerte l'ANSM suite à la découverte de formulaires, remis à des patients parkinsoniens participants à l'étude du Fonds Josefa, présidé par le Pr Jean-Bernard Fourtillan. Il y est fait mention d'un essai sur un patch transdermique indiqué dans Alzheimer, Parkinson, est trouble du sommeil, la dépression, etc.
13 juin : l'ANSM convoque le Pr Fourtillan pour une audition le 19 juin. Ce dernier refusera, contestant par courrier la qualification d'essai clinique.
Du 3 au 5 septembre : l'ANSM procède à une inspection dans un laboratoire chargé d'analyser les prélèvements des participants. Ils y trouvent les preuves de l'existence d'un essai non autorisé.
19 septembre : L'ANSM demande au Pr Fourtillan de cesser immédiatement l'essai et d’informer chaque participant de cette interdiction.
1) Selon la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires au moins trois soirées, sur trois lieux différents ont également été organisées « pour des professionnels de santé » susceptibles d'avoir parmi leurs patients des personnes atteintes des maladies neurologiques. Pour ces patients, « des patchs circulaient sous le manteau, vendus au prix de 1 500 euros », affirme la Miviludes, avec un mélange de « religieux et de médical ».
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