LES TUMULTES du vote de la loi réformant les retraites mercredi dernier à l’Assemblée nationale en feraient presque oublier le coup de théâtre du député de la Moselle. En déposant à la dernière minute un amendement pour aligner les règles de liquidation de la retraite pour les titulaires de l’allocation supplémentaire vieillesse (ASV) sur le régime de base, Denis Jacquat inscrit un article 6 bis dans la loi qui pose désormais le principe d’une décote dans le calcul des liquidations pour un départ à la retraite avant 67 ans.
Le directeur de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), Henri Chaffiotte, se défendant d’avoir demandé quoi que ce soit, estime que les choses se précipitent sans régler les problèmes de la réforme. « Les inégalités se creusent et l’on pouvait vraiment espérer autre chose, compte tenu de l’ambition des annonces autour de cette réforme », affirme de son côté le Dr Gérard Maudrux, président de la CARMF. Laquelle vient d’organiser un débat pour mesurer l’ampleur des changements qui s’opèrent sur le régime général des salariés, l’impact sur les régimes spéciaux et les questions que la réforme pose au niveau de l’assurance vieillesse des professions libérales.
Invité à cette tribune, Pierre-Édouard du Cray, directeur des études de Sauvegarde Retraites, ne mâche pas ses mots, soulignant le manque d’avancées du projet. « Sur le calcul des pensions, les bonifications d’annuités, les reversions sans condition et les retraites 100 % garanties, la réforme ne prévoit rien. » Une démarche également jugée incomplète par Henri Chaffiotte, pour qui « rien ne bouge sur le fond au niveau du régime », l’inertie « repoussant les vrais changements des régimes spéciaux à 2017 ».
Cette situation est sans surprise, selon le Pr Bernard Debré, député (UMP) de Paris. « Les vrais changements sont à traiter en début de mandat », fait-il valoir, ajoutant qu’aucune réforme difficile ne s’entreprend un an et demi avant des élections. « Les niches fiscales et la dette ne sont ni plus ni moins que des instruments pour récupérer des voix », affirme-t-il, et le passage à 67 ans de l’ASV à taux plein est « un alignement sur le régime de base qui n’étonnera personne et qui ne règle rien ».
Gisement d’économies ?
La CARMF rappelle que l’ASV représente tout de même 39 % des retraites moyennes versées aux médecins qui ne sont plus en activité depuis le début de l’année. En cumulant les régimes de base, la retraite complémentaire et l’ASV, les médecins touchent en moyenne 30 783 euros par an. Une situation devenue socialement enviable et qui fait planer la menace de nouvelles interventions… au nom de l’équité. Bernard Lagneau, président de la caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens, appelle d’ailleurs à la vigilance et défend le principe d’autonomie des sections. « Les libéraux, rappelle-t-il, ont pris des décisions courageuses, ils ont fait des années efforts de cotisations et la trésorerie de nos régimes nous permet aujourd’hui de garantir un équilibre des paiements. » Cette réserve qui correspondrait en moyenne à sept années de liquidation pour l’ensemble des libéraux pourrait être un jour être centralisée. Une idée de partage qui pour l’heure ne fait pas école. Médecins et pharmaciens martèlent que le régime social des indépendants (RSI) n’est pas un modèle pour le système libéral et redoutent ensemble la gestion politique que pourrait connaître leur régime, même si la question ne semble pas encore d’actualité, « cette idée ayant encore un arrière-goût de plan Juppé », ironise Bernard Debré.
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