LE LOBBY MÉDICAL marque des points. Cette petite musique est devenue un refrain accompagnant les modifications, parfois substantielles, apportées à la loi HPST.
Il est vrai que, sur de nombreux sujets qui impliquent le corps médical, le texte qui est en train de s’écrire au Sénat n’aura, quoi qu’en dise le gouvernement, pas grand-chose à voir avec la version originelle concoctée par le ministère de la Santé ; il sera aussi très différent de la mouture adoptée par les députés le 18 mars. Du coup, même si les raisons pour lesquelles cette loi semble s’écrire « au fil de l’eau » sont diverses, pas un jour ne passe sans que des voix s’élèvent pour cibler, sinon fustiger, la puissance des lobbies médicaux, le pouvoir particulier de cette corporation. Le débat sur l’influence politique des médecins n’est pas nouveau. À l’UMP, on reste convaincu que la fronde des blouses blanches au moment du plan Juppé avait provoqué la défaite de la droite aux législatives de 1997. Mais le raccourci est vite fait : pour certains, la pression des « toubibs » est en train de « dénaturer » la réforme, et même de la torpiller . Un discours renforcé par le fait que de nombreux parlementaires « experts » des questions de santé, et qui donnent le ton du débat, sont eux-mêmes médecins…
Reculs.
Dans une lettre ouverte des citoyens-usagers de la santé aux parlementaires « censés les représenter », le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) se veut accusateur, ulcéré par la suppression de la pratique du testing pour les refus de soins et par la vacuité, selon lui, des mesures pour combattre les déserts médicaux. « À l’Assemblée nationale comme au Sénat, le débat a été accaparé par la profession médicale dans son seul intérêt. Les médecins puissamment représentés dans les deux chambres ont pesé de tout leur poids pour que la majorité parlementaire décide de ne rien changer, en ville comme à l’hôpital ». Pour le bouillant Christian Saout, président du CISS, la loi est passée par les cycles « lavage », « rinçage » et « essorage ». La Mutualité Française, qui réunira début juin son congrès à Bordeaux, et qui reste un partenaire stratégique de premier plan pour tout gouvernement soucieux de réformer le système de santé, est également montée au front sur ce terrain. « Le texte initial laissait entrevoir une possible amélioration de l’organisation des soins. Mais les reculs successifs, concédés sous la pression de divers lobbies ont réduit à ce jour cet espoir à néant ». Et de citer le combat contre la désertification, la lutte contre les dépassements en médecine de ville, dans les cliniques et à l’hôpital public, mais aussi le débat sur la gouvernance de l’hôpital qui « illustre la puissance des corporatismes et des intérêts acquis ». La Fédération hospitalière de France (FHF, hôpitaux publics), qui s’y connaît en matière de lobbying, a condamné les « renoncements délétères », en citant la suppression des dispositions sur l’encadrement des honoraires libéraux et la régulation de l’installation médicale. Des confédérations de salariés se sont également exprimées en ce sens.
About (Union Centriste) : « Exprimer de la haine contre les médecins ne réglera pas les problèmes ! »
La polémique a gagné les rangs du Sénat. Dans cette enceinte feutrée, une des passes d’armes droite/gauche les plus vives lors de l’examen du projet de loi a porté sur… le poids des lobbies médicaux. Roselyne Bachelot venait d’expliquer pourquoi il lui semblait « plus pertinent de privilégier la négociation conventionnelle » (et non la loi)pour remédier au problème des dépassements d’honoraires en médecine libérale. Jean-Pierre Godefroy, sénateur PS de la Manche, a alors suggéré de se « soucier des difficultés, des médecins certes, mais aussi des populations ». « Vous ne faites rien ! a renchéri François Autain élu de Loire-Atlantique (Groupe Communiste, Républicain, Citoyen). La négociation conventionnelle sur le secteur optionnel dure depuis cinq ans et elle n’a toujours pas débouché ! Il faut savoir quelquefois arbitrer en faveur des patients ». Des propos qui ont provoqué la riposte du président (Union Centriste) de la commission des affaires sociales du Sénat, Nicolas About. « Je m’agace d’entendre sans cesse évoquer les lobbies médicaux. Mais je connais peu de professions qui demandent tant d’années d’étude sans offrir aucun profil de carrière (...) Les actes médicaux ne sont pas correctement revalorisés, c’est cela qui pousse aux dépassements. Exprimer de la haine contre les médecins ne réglera pas les problèmes de santé ! ». Et Jacques Blanc, neuropsychiatre et sénateur UMP de la Lozère, d’enfoncer le clou : « Il y a ceux qui défendent les médecins et ceux qui restent enfermés dans une idéologie dépassée ! ». Yves Daudigny, élu PS de l’Aisne, a déploré un « débat inadmissible » car « il n’y a pas ici d’ennemis des médecins ». Quant à Jean-Jacques Mirassou, chirurgien-dentiste (PS, Haute-Garonne),il a regretté que surgisse dans une discussion politique « des incidences à composante corporatiste ».
En réalité, la mobilisation, visible mais aussi dans la coulisse, des médecins a eu à ce stade des résultats inégaux, efficace sur certains points sensibles (testing, secteur II, gouvernance hospitalière), moins évidente sur d’autres (la tutelle des ARS, les schémas ambulatoires, le contrat santé solidarité qui devrait garder une dose de contrainte…). Parfois, la profession est divisée (quelle représentation régionale des libéraux ? quelle définition des soins de premiers recours ?) et les forces professionnelles poussent dans des directions contraires rendant toute relative l’idée d’un seul lobby médical. Sans compter que d’autres corporatismes de tout poil s’activent (maires, directeurs d’hôpitaux, associations de malades…).
Le Dr Michel Chassang, président de la CSMF et du CNPS (libéraux de santé), qui mène une virulente campagne contre loi Bachelot, reste prudent. « C’est seulement à la fin qu’on pourra compter les points, les choses restent fragiles. Par rapport au texte initial, et son arsenal de mesures coercitives anti-médecins, notre mobilisation n’a pas été sans effet ».
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