La dégradation de la note française par Moody’s

Plus de peur que de mal

Publié le 22/11/2012
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Crédit photo : AFP

CE N’EST PAS SÛR, parce que, en dépit de la baisse de la note française par Standard and Poor’s en janvier dernier, la France, pendant toute l’année 2012, a emprunté à des taux qui, aujourd’hui, ont atteint le point le plus bas de leur histoire. L’hypothèse d’un impact nul sur nos emprunts n’est donc ni illusoire ni naïve. Un faible impact, qui se traduirait par une hausse de quelques centièmes de point, ne serait pas du tout catastrophique. Bref, le choc de l’annonce faite par Moody’s, qui, il y a quelques mois, avait déjà savoir qu’il mettait la France « dans une perspective négative » reste pour l’instant minime.

Deux réactions.

Elle a néanmoins donné lieu à deux réactions regrettables. Le ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, en a tiré une conclusion politicienne : « Je prends acte, a dit le ministre, de cette décision, même si je la déplore, mais elle sanctionne avant tout la situation dont nous avons hérité et qui n’a cessé de se dégrader pendant 10 ans ». C’est inexact car, tout en saluant l’adoption par le gouvernement actuel du pacte de compétitivité, Moody’s estime que nos dirigeants n’en ont pas fait assez pour réduire la dépense publique. Il ne s’agit nullement de la gestion des dix dernières années. Ancien ministre de l’Économie, François Baroin a aussitôt rejeté l’analyse de son successeur, mais n’a pas hésité, pour sa part, à voir dans l’accumulation des dégradations un danger pour l’économie française. Il n’était pas obligé de le dire car, s’il est impossible de cacher à l’opinion les notes des agences, il y a assez d’arguments en faveur d’un minimum d’optimisme.

On pourrait même pousser le paradoxe jusqu’à défendre l’idée que, plus la note française est abaissée, plus nous louons de l’argent à taux bas. Si les agences de notation servent aux perspectives à moyen et long terme des États et des entreprises intéressés par tel ou tel marché national, la France a fourni la preuve qu’une note dégradée ne rend pas plus coûteux l’argent que nous empruntons. En réalité, la baisse des taux nous aura fait gagner presque trois milliards d’euros en 2012, grâce à des loyers monétaires en baisse.

UNE NOTE DEGRADEE N’ENTRAINE PAS FORCEMENT UNE HAUSSE DES TAUX

La France n’est pas le seul exemple de ce paradoxe puisque l’abaissement de la note américaine n’empêche pas les États-Unis d’emprunter à un taux si bas qu’il est considéré comme négatif (il ne compense même pas l’inflation et c’est tout juste si les banques et compagnies d’assurances ne prêtent pas de l’argent à l’Amérique pour « garer » leurs capitaux dans un endroit sûr). Il serait bon que, sans le moindre triomphalisme, nos dirigeants et ceux de l’opposition rassurent l’opinion publique en reproduisant cette analyse. La campagne électorale est terminée, MM. Moscovici et Baroin devraient s’en souvenir.

Il reste le message contenu dans la dégradation décidée par Moody’s. Elle a été précédée par diverses rumeurs sur l’état financier de la France. On a fait grand cas, par exemple, du malaise que la politique économique de François Hollande inspire à l’Allemagne. C’est le même jugement  : bravo pour le pacte de compétitivité, mais il n’est pas suffisant, et la France devrait aller à marche forcée vers zéro déficit budgétaire. Un hebdomadaire britannique s’est lancé dans un procès contre la France, mais les Anglais feraient mieux de balayer devant leur porte. La thèse des défenseurs de la rigueur et de l’austérité réunies a pourtant du plomb dans l’aile depuis que commence à se créer un consensus sur l’échec des politiques conduites en Grèce et en Espagne. Le point de vue de François Hollande qui mène de front un programme de réduction de la dette et des dépenses en faveur de la croissance a été renforcé par la prise de conscience naissante, chez les Européens, de ce que la baisse des revenus n’est pas le médicament miracle contre la maladie financière.

Il nous semble que M. Hollande peut s’en tenir à ce qu’il a annoncé, mais qu’il a un devoir de résultat. Et que, au cours de l’an prochain, il doit appliquer les mesures qu’il a prises sans tergiverser et sans accepter la moindre dérogation. Il nous semble indispensable qu’il arrive à un déficit de trois pour cent, non pour la beauté du chiffre, mais pour montrer à la face du monde que la France tient ses engagements ; qu’il s’attaque enfin au mille-feuilles administratif et qu’il engage une réforme profonde des politiques publiques. On peut économiser de l’argent. On ne doit pas reculer dès que les économies commencent à faire mal.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9194