Les personnes suivies pour un trouble psychique sévère ont un moindre recours aux soins de prévention, en particulier aux dépistages des cancers, ainsi qu'aux spécialistes, alors que leur état de santé est moins bon que celui de la population générale. C'est ce que démontre une étude publiée dans « Questions d'économie de la santé » de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES).
Plus de maladies chroniques chez les patients psys
Ce travail a comparé 319 047 individus identifiés comme étant suivis pour troubles psychiques sévères via une affection longue durée (ALD) psychiatrique en 2014 à 33 millions de Français non suivis pour ce genre de troubles mais bien identifiés dans la cartographie médicalisée.
Au terme de leur analyse, les auteures Coralie Gandré et Magali Coldefy mettent en évidence une surreprésentation des maladies chroniques chez les premiers. La prévalence des maladies du foie et du pancréas est ainsi 2,11 fois plus importante que dans le groupe témoin, celle du diabète de 1,8, celle des maladies respiratoires chroniques de 1,7, celle des accidents vasculaires cérébraux d'1,6. Sans parler des comorbidités psychiatriques et neurologiques dont la prévalence est augmentée d'un facteur 11 pour les troubles addictifs, de 7,2 pour les démences, ou encore de 4 fois pour l'épilepsie.
Les auteures repèrent aussi une surreprésentation, bien que modérée, des cancers avec une prévalence 1,15 fois supérieure chez les patients psys par rapport aux témoins.
Moins de dépistages du cancer
Pourtant, les patients psychiatriques semblent avoir un moindre accès aux soins de prévention et de spécialistes. Un constat jusqu'alors dénoncé par les psychiatres, les usagers, et les familles. Mais très peu étayé par des données chiffrées et objectives.
Les chercheuses mettent en évidence une association importante entre trouble psychique sévère et dépistage du cancer du sein et/ou de l'utérus (odds ratio ajusté de 0,68), mais aussi dépistage du cancer colorectal (ORa de 0,81), après ajustement sur les caractéristiques cliniques et socio-économiques individuelles et les caractéristiques de l'environnement de vie. Au passage, elles notent une moindre vaccination contre l'hépatite B (ORa : 0,4).
La prévention des effets secondaires des psychotropes fait aussi défaut : seulement 14 % des patients vivant avec un trouble psychique ont eu un électrocardiogramme dans les deux ans de suivi de l'étude. Et 53 % seulement ont réalisé un bilan sanguin avec glycémie et cholestérol.
Moindre accès aux spécialistes
Les patients psychiatriques vont moins souvent voir des spécialistes. En particulier, des gynécologues (ORa : 0,63) ou ophtalmologues (ORa : 0,71). Quant au recours aux généralistes, les constats sont nuancés : l'analyse des données montre plus de contacts avec eux chez les patients psys que dans le groupe témoin, mais cela pourrait s'expliquer, selon les auteures, par l'obligation de déclarer un généraliste pour avoir accès au dispositif d'ALD, sans qu'il soit pour autant mobilisé dans leur prise en charge.
Une hypothèse qui rejoint les inquiétudes des psychiatres hospitaliers, qui font état de difficultés à identifier les médecins traitants de leurs patients. Et qui expliquerait aussi une fréquence plus importante des hospitalisations hors psychiatrie de ces patients, notamment évitables, comme par exemple pour asthme ou les complications du diabète.
En conclusion, les auteures soulignent l'importance de développer les soins somatiques pour les patients psychiatriques ou en situation de handicap, et d'accompagner les professionnels dans la meilleure prise en compte de leurs besoins physiques. Ce qui pourrait enfin amoindrir la réduction de l'espérance de vie des personnes atteintes de troubles psychiatriques, de 16 ans chez les hommes et 13 chez les femmes.
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