Insultes proférées au motif d’un temps d’attente trop long, menaces physiques lancées au médecin ou ses proches pendant un rendez-vous, coups portés, parfois armés, après un refus de prescription… Qu’il s’agisse d’agressions commises lors de visites à domicile, aux abords du cabinet médical, au sein de l’hôpital, plus de 1 000 agressions de médecins ont été rapportées au Conseil national de l’Ordre des médecins l’année dernière.
Comment dans ces conditions, permettre aux médecins qui exercent au quotidien sur notre territoire, de retrouver les conditions élémentaires de sécurité pour la bonne conduite de leur mission ?
Les hospitaliers doivent aussi avertir l'Ordre
Partant du constat qu’il n’existait aucun dispositif au niveau national permettant de recenser les violences dont sont victimes les médecins, le Conseil national de l’Ordre des médecins a créé un Observatoire à cette fin. Lancé il y a près de 15 ans, cet outil est devenu indispensable pour identifier et suivre les violences à l’encontre des médecins, demeurées trop longtemps invisibles, en particulier pour ceux exerçant en libéral et a fortiori de manière isolée.
L’Ordre des médecins souhaite aujourd’hui encourager les médecins hospitaliers à déclarer auprès de leur Conseil départemental de l’Ordre, et plus uniquement à leur hiérarchie, les violences dont ils pourraient être victimes. Le dispositif de déclaration sera par ailleurs, dès le 1er janvier 2019, étendu aux internes, qui doivent également être protégés dans leur mission au service des patients.
L'inertie de la justice décourage certains confrères
Mais signaler ne suffit pas ! Tenus par le secret professionnel ou pétris par la peur de représailles, certains médecins se résignent à ne pas engager de poursuites et à ne pas déposer plainte. Ceux qui osent franchir les portes d’un poste de police se heurtent trop souvent à l’inertie de la justice et voient leur requête classée sans suite.
Le ministre de l'Intérieur ne peut rester sourd
Pourtant, lorsqu’ils sont appelés en urgence par nos concitoyens, quel que soit le lieu où ils se trouvent, les pompiers interviennent en équipe de sept ou huit, les policiers ou gendarmes sont, eux, armés et protégés et toujours entourés de quatre ou cinq de leurs pairs. Le médecin quant à lui intervient seul, avec pour seule sécurité l’attente, s’il compose le numéro 17 sur son téléphone mobile, quand bien même un médecin qui ne répondrait pas à un appel d’urgence pourrait être poursuivi pour non-assistance à personne en danger. Cette situation n’est plus tenable ! Une impulsion nouvelle doit venir du sommet de l’État : le ministre de l’Intérieur ne peut rester sourd à cette angoisse réelle qui ronge la profession et contribue à la fermeture de cabinets médicaux, au détriment de l’accès aux soins.
En 2011, l’Ordre a signé un protocole avec l’État qui vise à améliorer la sécurité des professionnels de santé sur le territoire national et à renforcer la coopération avec les services de l’État compétents en matière de prévention et de traitement de la délinquance. Ce protocole est une avancée structurante, qui a d’ores et déjà été déclinée dans les territoires. Cette nécessaire première étape n’a pourtant pas empêché d’observer une recrudescence du nombre d’agressions signalées.
Des référents sécurité dans les conseils départementaux
C’est donc pour répondre aux peurs et inquiétudes des médecins que le Conseil national de l’Ordre a développé des supports de sensibilisation pour les aider à prévenir les situations sensibles et à réagir en cas de violences subies : des fiches pratiques, mais aussi une fiche de signalement qui doit permettre aux médecins victimes de bénéficier du soutien de l’institution ordinale, et à cette dernière de connaître plus précisément la nature des évènements afin d’étudier les solutions à y apporter. Des référents sécurité ont par ailleurs été nommés dans tous les conseils départementaux de l’Ordre afin de répondre à l’urgence en accompagnant nos confrères.
Des expérimentations en région
C’est aussi pour faciliter les interventions des forces de l’ordre quand elles sont nécessaires qu’au niveau territorial, les Conseils départementaux ont lancé des expérimentations pour améliorer la sécurité du corps médical. Ainsi à Limoges, un bip de géolocalisation permettant d’alerter les forces de l’ordre en cas de danger a été proposé aux médecins de la ville et devrait être étendu à tous ceux de Haute-Vienne. Avec cet outil, une intervention est possible dans les 5 à 10 minutes suivant l’activation du système par le médecin. En Ile-de-France, le Conseil régional de l’Ordre travaille au développement d’une application, Reporty, qui a déjà fait ses preuves dans les zones où elle a été testée, et permet aux médecins d’alerter un centre d’urgence en toute discrétion, grâce au captage vidéo et sonore de leur smartphone, facilitant ainsi l’intervention des forces de l’ordre le cas échéant.
Comment attirer nos jeunes médecins vers le monde libéral si la sérénité de leur cabinet n’est pas assurée ? Comment les convaincre de s’impliquer sur le terrain s’ils doivent intervenir en gilet pare-balles ? Il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent de cet enjeu majeur, et appuie l’Ordre des médecins dans le développement de ces dispositifs, qui fonctionnent ! L’Ordre seul ne pourra endiguer et punir ces violences. Les médecins, piliers de la bientraitance républicaine, ont besoin que la République les soutienne, et j’espère que le nouveau ministre de l’Intérieur, tout juste nommé, saura travailler avec les médecins pour mettre en œuvre des solutions efficaces et novatrices.
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