LES ÉLECTEURS américains, comme le reste du monde, ont attribué à M. Obama leur propre agenda politique. Pour la droite de l’opposition républicaine, il reste illégitime, parce qu’il est noir et démocrate. Pour la gauche du parti démocrate, il a failli à leur désir utopique de transformer l’Amérique en une puissance morale qui aurait évacué l’Irak et l’Afghanistan, imposé l’assurance-maladie publique et universelle, jeté les banquiers en prison et créé des emplois fictifs pour combattre le chômage. Nous rappellerons, avec humilité, que peu avant l’élection de M. Obama, nous avions écrit dans ces colonnes qu’il ne fallait pas s’attendre à un programme révolutionnaire et que le nouveau président ne renoncerait pas à conserver pour son pays le statut de superpuissance. Ce que veut Barack Obama (et ce qui lui prend du temps), c’est retourner aux prinicipes fondamentaux qui ont fondé la démocratie américaine de manière à rayonner sur le monde non par la force militaire mais en créant une société exemplaire et unie.
Il aurait pu refuser, mais...
M. Obama aurait pu, bien sûr, refuser le prix Nobel de la paix. Toutefois, lorsqu’il a pu calculer les conséquences diplomatiques et morales d’un tel refus, il a vite compris que ce serait une attitude insoutenable. Il aurait infligé un camouflet au Comité Nobel, qui aurait vu dans le refus une autre manifestation de l’arrogance américaine ; il aurait semblé prendre le parti de la guerre et de la force, alors qu’il entend bien, à terme, offrir des États-Unis l’image d’une nation apaisante et respectueuse des différences ; il n’est pas impossible non plus que, d’une certaine manière, il ait pensé que, s’il ne méritait pas le prix dans l’immédiat, il pourrait le justifier. Obama est fier de lui-même, fier de son parcours à peine croyable, sûr de lui et convaincu qu’il apporte, à son niveau, une analyse, une réflexion, une force intellectuelle qui le distinguent de ses prédécesseurs.
Il a raison. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le discours qu’il a prononcé à Oslo. Il a déclaré que d’autres méritaient plus que lui le Nobel de la paix. Il a admis qu’il est le président d’un pays engagé dans deux guerres. Il a reçu l’une en héritage, et l’autre, il l’estime justifiée. Il a expliqué que lutter pour la paix ne signifie pas être pacifiste, que Ben Laden ne serait jamais désarmé par une négociation, de même qu’Hitler aurait envahi l’Europe de toute façon. Il a aussi demandé du temps. Il n’y a pas un an qu’il est au pouvoir. Non seulement il a deux guerres sur les bras, mais il est engagé dans une grande bataille pour l’assurance-maladie et doit convaincre le Congrès de la nécessité de cette réforme, dont tous les Américains ne comprennent pas la nécessité absolue, alors qu’ailleurs, on est horrifié par l’ingéalité d’accès aux soins. La crise a fait des ravages aux États-Unis. Le chômage y devient insupportable. Mais Obama n’a pas si mal travaillé : il n’a dépensé que la moitié du budget destiné à renflouer les banques et il a donc une marge de manuvre pour investir dans l’emploi. Il n’est pas moins écologiste que les plus ardents de nos défenseurs de l’environnement. Mais il explique que la dépollution des États-Unis ne passera pas par leur appauvrissement, qu’elle contribuera à la croissance et à la création d’emplois et que, pour ce tour de force, il faut un bon plan et du temps. Il imposera des mesures environnementales par décrets pour éviter l’encombrement et les retards au Congrès.
OBAMA A BESOIN DE TEMPS ; IL PARVIENDRA AU BOUT DE SES PEINES
Pour l’Irak, il entend bien retirer les derniers soldats américains en 2011 ; aux Irakiens de lutter contre le terrorisme et d’assurer leur développement grâce à la manne pétrolière. Pour l’Afghanistan, les renforts ont pour objectif de « finir le travail ». M. Obama, malgré l’inconsistance du pouvoir que représente Hamid Karzaï, veut appliquer en Afghanistan (et si possible au Pakistan) les règles de bonne entente avec la population qui empêcheront les taliban de s’implanter dans des zones toujours plus larges. Le général Stanley McChrystal est en Afghanistan pour mettre en uvre des dispositions militaro-civiles qui ont fait leurs preuves en Irak, sous la houlette du général David Petræus.
On comprend l’impatience des Américains, confrontés à un taux de chômage inconnu depuis trente ans. On comprend les désillusions de la gauche américaine, qui n’a jamais voulu admettre que ses idées sont inapplicables aux États-Unis ; on comprend que les atermoiements sur l’Afghanistan aient semblé longs (trois mois) aux pays de l’OTAN engagés dans cette guerre sans savoir ce qu’ils y faisaient. Mais on ne peut pas nier que cet homme a changé en quelques mois le visage de l’Amérique ; on ne peut pas nier que, par rapport au simplisme dangereux de Bush, Obama représente un changement fondé sur l’intelligence, l’acuité de l’analyse, la puissance de synthèse ; on ne peut pas nier qu’il a un sang-froid énorme, surtout quand on pense aux insultes qui lui ont été adressées par certains de ses compatriotes (avec, parmi eux, des journalistes honteusement démagogiques), un calme olympien, un respect immense pour les droits civiques, une indifférence apparente à des attaques qu’il ne juge pas digne de commenter. Si vous êtes déçu par Obama, nommez un homme ou une femme américains de son niveau.
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