L’ACTUALITÉ EST assez riche pour nous interdire de consacrer cette chronique quotidienne aux commémorations. Ce n’est pas tant le souvenir de François Mitterrand que nous cultiverons ici que les hommages qui lui ont été rendus par le PS et par la presse, lesquels n’ont pas toujours éprouvé de son vivant autant d’admiration. Bien entendu, Mitterrand a compté dans l’histoire du pays et a rempli ses deux septennats de mesures utiles ou moins utiles. Bien entendu, sans avoir la dimension d’un de Gaulle, il s’est taillé une formidable réputation, ne fût-ce que grâce à son extraordinaire longévité politique. La question ne porte plus sur ce qu’il a accompli et qui a déclenché, jusqu’à mardi dernier, tant d’analyses et de commentaires. Elle concerne l’usage abondant que le parti socialiste, tous courants confondus, en a fait ces derniers jours.
Louanges et critiques.
C’est de bonne guerre. La majorité assiégée n’hésite pas à prendre toutes sortes de mesures, à brandir toutes sortes d’arguments, à guerroyer contre la gauche et l’extrême droite avec toutes les armes dont elle dispose, y compris les moins nobles. Dans ces conditions, la gauche ne risquait pas de se priver d’un retour au passé dont elle attend, à tort ou à raison, une pluie de dividendes. Mais prendre Mitterrand pour référence, comme ils l’ont tous fait, d’Aubry à Hollande, de Hamon à Mélenchon, de Chevènement à Valls, est-ce bon pour le PS ? On trouvera dans ce bilan d’un passé plutôt lointain de quoi alimenter les éloges les plus prononcés et les critiques les plus acerbes. Mitterrand, était-ce celui de la culture rendue au peuple par Jack Lang, celui des radios libres, celui de l’abolition de la peine de mort, était-ce le Mitterrand l’Européen, main dans la main avec Helmut Kohl, ou était-ce l’ami de Bousquet, celui d’une utopie qui n’a pas duré deux ans, celui qui a recruté des ministres communistes ou celui qui a étouffé le PCF, celui qui a fait adopter le scrutin proportionnel et a envoyé une soixantaine d’élus du Front National à l’Assemblée ou celui du discours de Cancun, était-ce l’homme décoré de la francisque ou le résistant ?
Inutile de chercher des réponses. Il y avait chez lui un côté universaliste qui le conduisait à comprendre et finalement à éprouver de l’indulgence pour ceux que l’on désigne à la vindicte publique. On se rappelle la rafle du Vel d’Hiv’ et on lui en veut d’avoir invité Bousquet si souvent, mais il était assurément philosémite.
POURQUOI MITTERAND ET PAS ROCARD , POURQUOI CHIRAC ET PAS BALLADUR ?
Peut-être savait-il au fond de lui-même que le fossé entre le noble et l’ignoble est moins profond que l’on ne croit et que, sur un rail politique, la plus petite erreur d’aiguillage prend souvent des proportions catastrophiques. Mais encore une fois, la célébration du 10 mai 1980 apporte-t-elle un enseignement pour 2012 ? Qu’est-ce que Mitterrand aurait fait au sujet de la dette, qu’a-t-il fait d’ailleurs pour réduire le chômage (rappelez-vous son mot terrible : « On a tout essayé »), que ferait-il pour le pouvoir d’achat, contre la mondialisation, face aux révolutions arabes, contre l’ascension de Marine Le Pen et la montée de l’intolérance, au sujet de l’immigration et de l’insécurité ? L’oracle resterait muet et les socialistes d’aujourd"hui seraient bien en peine de trouver dans ses deux septennats de quoi structurer leur action à venir. Ce n’est pas parce qu’il a laissé une trace dans l’histoire que le monde n’a pas changé. Il change si vite en réalité qu’il rend obsolète la mesure de la veille. Est-ce que l’on va trouver, dans les idées ou les dispostions prises à partir de 1981, de quoi guérir les maux du pays en 2012 ?
Rien n’entamera la qualité de la victoire de Mitterrand il y a trente ans. C’est tout de même celle d’un homme infiniment plus manœuvrier que ses adversaires. Michel Rocard eût-il été élu qu’il aurait peut-être laissé un héritage plus riche. L’histoire se nourrit de pailles qui brisent le dos du chameau, de petits riens qui font la différence. Pourquoi Giscard et pas Chaban ? Pourquoi Chirac et pas Balladur ? Pourquoi Jospin et pas Delors ? Ceux qui n’ont pas fini la course étaient peut-être meilleurs. Ou bien, à l’usage, auraient-ils été moins bons.
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque