LES TUNISIENS viennent de nous expliquer a posteriori que leur révolution contre la dictature de Zine El-Abidine Ben Ali ne méritait ni enthousiasme excessif ni indifférence. Que ceux d’entre les Français qui l’ont applaudie à tout rompre au mépris d’une élémentaire prudence n’ont pas plus de mérite personnel que ceux qui ont exprimé des craintes disproportionnées, sans rapport aucun avec la nature du régime qu’il fallait abattre. Le processus démocratique est une marche en avant. Jamais, dans l’histoire, on n’assiste vraiment à un retour en arrière. La révolution est forcément sanglante et compliquée parce qu’elle ne met pas fin à ordre étouffant sans créer ses propres démons. Il en a été ainsi de l’ordre léniniste qui a succédé à la féodalité en Russie et, meilleures comparaisons, de la victoire du Hamas aux élections palestiniennes ou, auparavant, de celle des islamistes en Algérie qui aura valu à ce malheureux pays une terrible guerre civile.
Dans le cas précis de la Tunisie, Ennahda, juste avant le scrutin, a fait à la fois des promesses et des mises en garde. Il n’imposerait pas la charia à la Tunisie, mais on ne le priverait pas du triomphe qui s’annonçait. Il a déclenché une petite guerrilla à propos d’un dessin animé où Dieu était représenté, ce qui est interdit par l’islam, manière de pratiquer, à la dernière minute, la surenchère électorale. Il a également indiqué qu’il n’accepterait pas une coalition des centristes qui l’empêcherait d’accéder au pouvoir.
Vers une coalition.
Le résultat du scrutin ne laisse pas la place à cette solution. Le système proportionnel qui a été adopté oblige néanmoins Ennahda à former une coalition de gouvernement au moins avec l’un des deux partis qui arrivent derrière lui, Ettakatol et Congrès pour la république, tous deux réformateurs, donc rassurants aux yeux de la France. Il est bon de rappeler ici qu’il s’agit de désigner une Assemblée constituante chargée de rédiger une Loi fondamentale qui régira notamment le fonctionnement institutionnel de la Tunisie. Ce texte peut ou non inclure un premier article, qui existait dans la Constitution précédente et présentait l’islam comme religion d’État. Il peut, ou non, se référer à la charia. Il peut, ou non, modifier le statut des femmes, qu’il s’agisse du port du voile (et de quel voile) ou de la monogamie. À n’en pas douter, Ennahda pèsera de toutes ses forces dans le sens d’une islamisation accrue de la Tunisie. Il n’y a aucune raison de prendre à la lettre les promesses lénifiantes d’un mouvement né dans l’aversion absolue de l’ancien pouvoir, qui n’a jamais souhaité copier les recettes de la démocratie à l’occidentale et sait fort bien louvoyer si le chemin vers le pouvoir n’est pas une ligne droite.
EN TUNISIE OU AILLEURS, L’ISLAMISME EST UN DANGER
La ferveur soulevée en France par la révolution tunisienne, la première dans le monde arabe, exemplaire et pacifique, était dictée par la très grande proximité géographique et morale que nous avons avec le peuple de ce pays. Nous voulions, il y a dix mois, qu’il eût droit au « bonheur démocratique » parce qu’il nous semblait qu’il le méritait encore plus que d’autres peuples. De la même manière, personne ne peut nier le courage qu’il a fallu aux Libyens pour se débarrasser d’un régime à la fois inique et clownesque. Voilà qu’à Tripoli aussi, un dirigeant annonce un peu vite que la charia sera appliquée en Libye, sans tenir compte de l’aide vitale qu’il a reçue de l’OTAN ni de la volontée de ses concitoyens. Heureusement, il semble avoir compris son erreur et a ensuite rectifié le tir. Mais ses propos sur l’islam montrent bien les forces à l’œuvre dans le printemps arabe. Voilà maintenant que, pour être sûrs de ne jamais avoir tort, les laudateurs systématiques des révolutions arabes, nous expliquent que l’islamisme ne représente pas le danger que nous croyons. Posez la question aux Algériens, aux otages français du Sahel, aux victimes d’attentats de toutes sortes, aux otages des Chabab en Somalie, aux Libanais sous l’influence du Hezbollah. Demandez-vous si un vote ultérieur a jamais défait un vote précédent favorable aux islamistes. Pourquoi l’armée n’a-t-elle pas lâché le contrôle de l’Égypte sinon parce que les Frères musulmans l’emporteraient dans les urnes, de sorte que l’islamisme ou le pouvoir militaire constituent les deux mauvais choix offerts au peuple égyptien ? On ne niera à Ennahda aucun des nombreux suffrages que ce parti a obtenus. On peut toutefois continuer à militer pour la modernité en Tunisie comme ailleurs.
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