Le Tampon (97)
Dr Jean Dorémieux
Chère Marisol,
Nous sommes bien d’accord avec vous qu’il faut faire cesser la difficulté d’accès aux soins des plus démunis (à cause des dépassements), mais aussi de l’accès des plus éloignés (à cause de la désertification rurale), enfin des plus affaiblis par la maladie (l’abandon de la garde libérale encombre les urgences des hôpitaux publics).
Accepteriez-vous de comprendre une chose toute bête ? Tout ceci résulte uniquement de l’existence du tiers garant, une modalité que l’Assurance-maladie a voulue au contraire des autres pays.
Marisol, n’oubliez pas que de ce tiers garant découlent quatre problèmes à régler, si possible en une seule fois: les honoraires, les déserts ruraux, l’abandon de la garde par les libéraux, la pénurie que tous vont bientôt ressentir (...).
Pour résoudre trois de ces quatre problèmes d’un seul geste, il suffit de faire passer une loi que voici :
« Par décision ministérielle, plus aucun patient ne paiera ses médicaments, ne paiera ses médecins, ne paiera ses examens. Tout désormais sera payé sans restrictions aux différents professionnels de santé en tiers payant trimestriel. »
Cela se nomme le tiers payant dans tous les autres pays. Les médecins volontaires, après une formation adéquate, qui iront dans les déserts ruraux, doivent avoir à proximité des hôpitaux avec un chirurgien, un accoucheur, un anesthésiste réanimateur. Pour les recruter, il suffit de faire sauter l’égalité des traitements et de la remplacer par la loi de l’offre et de la demande.
Les médecins des déserts ruraux pourront récupérer la liberté de leurs honoraires, la liberté de leurs prescriptions, leur liberté d’agir avec un cumul des actes, avec des appareils pour fonctionner loin de tout.
(...) On me souffle dans l’oreillette que cela va coûter cher. Pas du tout ! Ce système a été adopté par Bismarck en 1882, et en pourcentage de PIB, les dépenses de santé des Allemands sont inférieures aux nôtres. Mais attention, le tiers payant intégral, c’est aussi la disparition de la multitude des complémentaires santé et des assurances privées devenues inutiles alors qu’elles saignent à blanc les assurés.
N’oubliez pas qu’en 1945, lors des ordonnances mettant en place l’Assurance-maladie, le monopole de la Sécurité sociale comportait la suppression et la saisie des caisses sociales qui existaient déjà, dont les fonds, les placements et les cotisations furent confisquées (...).
Merci de m’avoir lu.
Non ! Les médecins du secteur II ne veulent pas gagner plus
Vandoeuvre Les Nancy
Dr Gilles Voydeville (54)
Un contrat d’accès aux soins est voulu par le gouvernement pour que chacun puisse accéder à des spécialistes en tout lieu. C’est plutôt une bonne idée, même si aucun spécialiste ne refuse ses soins sans dépassement aux plus démunis : choyer ses pauvres, comme les rois autrefois, élève l’estime de soi que le médecin en tire.
Les médecins du secteur II ne se battent pas aujourd’hui pour gagner plus. Ils se battent pour que l’avenant 8 du préambule du contrat d’accès aux soins qui limite les dépassements d’honoraires ne s’applique pas bientôt à eux aussi. Non par soif d’argent, mais pour maintenir un équilibre sanitaire qui donne plutôt de bons résultats avec des médecins parmi les moins bien payés d’Europe. Les honoraires des actes chirurgicaux, anesthésiques et obstétricaux sont quasi bloqués depuis trente ans. Ceci est reconnu par le gouvernement dont les prédécesseurs ont créé le secteur II pour se décharger des réajustements dont toutes les autres professions ont bénéficié. Pendant cette période, les frais, les assurances, les salaires et autres charges sociales ont, le mot est faible, explosé. Aujourd’hui le complément du secteur II est nécessaire et indispensable à l’équilibre de chaque cabinet médical dudit secteur. Et pour ne rien demander aux démunis qui sont de plus en plus nombreux, les médecins doivent pouvoir demander plus à ceux qui ont une mutuelle qui les couvre plus. Et si les accords limitent tous les dépassements à 150 %, ils privent les médecins qui se veulent justes et magnanimes avec les pauvres, de prendre plus à ceux qui, couverts par leurs mutuelles, ne le sentiront pas.
Si la Caisse nationale d’assurance-maladie n’a pas d’arrière-pensées de suppression de la liberté du secteur II en créant le contrat d’accès aux soins, elle doit renoncer à l’avenant 8 du préambule qui est ambigu et a généré la fronde. Et si le gouvernement a l’intention de supprimer le secteur II qui ne lui coûte rien, il va s’exposer à de grosses dépenses supplémentaires et à des conflits interminables.
*Chirurgien orthopédiste, ancien président de l’ISNIH
Les grèves inutiles
Clermont-de-l’Oise (60)
Dr Nicole Batlaj
Les médecins sont-ils crédibles au milieu de cette démonstration d’opposition médiatique ?
L’État va-t-il entendre cette protestation émanant des médecins qu’il juge nantis.
C’est peut-être l’occasion de faire entendre la voix oubliée du secteur I.
S’il existe une catégorie en droit de réclamer une valorisation de l’acte médical, c’est bien celle-ci.
Comment imaginer qu’un médecin ayant fait des études longues (BAC +8) soit rémunéré 23 euros. Il faut de cette somme incroyablement généreuse déduire les charges de l’État, la consultation est alors évaluée à 13 euros.
Quant aux spécialistes secteur I, ils sont tout aussi maltraités.
L’opinion publique et la presse pleurent sur les déserts médicaux.
Les patients se plaignent de consultations écourtées, voire précipitées.
Cherchons un peu, le remède est sous nos yeux.
« Sortons de notre passivité »? En réponse au Dr Thérèse Allainmat...
Grenoble (38)
Dr Pierre Alain Roy
Chère consœur,
Vous avez publié dans « le Quotidien des lecteurs » du 14 novembre une lettre intitulée « Sortons de notre passivité ». Je suis bien d’accord avec vous mais commençons par le commencement : combien d’entre nous ont refusé la convention ? La révolution c’était avant fin juillet !
Pour mémoire, j’ai envoyé l’été dernier au Syndicat des maladies du cœur et des vaisseaux et au Conseil national de l’Ordre un courrier expliquant « pourquoi j’ai refusé de signer l’avenant n° 7 de la convention médicale ». J’y disais notamment, au sujet des indicateurs « de qualité de la pratique », que cet avenant jette les bases d’un contrôle par un organisme payeur de notre pratique médicale dans ce qu’elle a de « plus intime » : les modalités de prise en charge du patient (application des référentiels) et les moyens (génériques et informatiques) pour y parvenir. Dès lors un agent contrôleur de la Sécurité sociale est habilité à juger la pertinence de notre pratique et pire encore l’attribution de nos émoluments : « Tu files droit, t’es dans tes objectifs, tu touches » ; dans le cas contraire, pas de prime.
J’écrivais que nous sommes transformés en « commerciaux sur objectifs » fixés par la nomenklatura. L’objectif à terme étant de vider le pouvoir médical de sa substance en le transformant en un officier de santé chargé d’appliquer les directives de la HAS. Et bien sûr de contrôler son revenu avec les économies de dépenses qu’il génère.
Sur l’organisation du cabinet, je m’interrogeais : de quel droit un organisme payeur vient-il me dire comment organiser mon cabinet ? Je télétransmets depuis l’origine car cela représente une facilité pour tous. En revanche, je refuse que l’on m’impose un mode de fonctionnement de tenue de mes dossiers au travers d’un logiciel agrée qui, sans nul doute viendra aspirer la prime allouée. Nous n’avons dans notre cabinet plus de dossier papier mais gardons le contrôle (y compris des coûts) de notre informatique. Nous n’avons pas non plus besoin d’une aide à la prescription, le Vidal suffit.
Quant à la rémunération, elle atteint 4 130 euros par an maximum, moins le surcoût logiciel et le temps à remplir les questionnaires. Alors que le cumul ECG échographie vient d’être supprimé, que l’épreuve d’effort est à 76,80euros depuis 1995, que la MAPA préconisée n’est toujours pas à la nomenclature...
À l’époque je concluais : oui je pense que c’est un marché de dupes, que l’objectif ultime est de salarier la médecine pour qu’elle rentre dans le cadre du budget alloué par l’ONDAM.
Secteur II : fausse polémique et vrais problèmes, suite et fin ?
Lyon (69)
Dr Marc Jouffroy
Après une « négociation » dont le récit évoque clairement les méthodes employées dans les sectes, et un « accord » arraché sous la menace, Madame Touraine peut effectivement sourire devant les caméras : mission accomplie, le rideau de fumée est tendu, elle a menacé de légiférer mais l’a évité : il n’y aura donc pas de débat parlementaire, qui aurait pu permettre d’évoquer quelques problèmes ou d’éveiller quelques consciences, quitte à arriver au même résultat.
Mais peut-être suis-je encore trop naïf, et avait-elle prévu la voie très démocratique des décrets, ce qui pourrait expliquer la déculottade syndicale…
Au lieu de cela, Madame Touraine a désigné ses « koulaks » du secteur II, et d’après son interview donnée au « Quotidien du Médecin » le 29 octobre, les exécutions ne vont pas tarder à commencer, de manière aveugle : les caisses ont toute latitude pour apprécier les dépassements d’honoraires de manière purement comptable, loin des subtilités de la pratique médicale, si technique soit-elle devenue.
Il n’est plus question d’écoute, de médecine lente et les disciplines comme la sexologie, que j’évoquais dans le courrier des lecteurs du 4 octobre, vont se trouver marginalisées et inaccessibles, comme tout discipline sans acte technique.
Suprême habileté, alors que d’habitude, c’est l’ensemble du corps médical qui est désigné comme responsable de tous les maux résultant de trente ans de gestion aberrante du système de santé français, cette fois, c’est une minorité dans la minorité qui est montrée du doigt comme la seule coupable…
Cela a permis de faire l’économie d’une revalorisation, si ridicule soit-elle, des honoraires, et a officialisé perversement un antagonisme concret entre médecins, puisque d’éventuelles revalorisations du secteur I sont officiellement liées aux baisses de dépassements du secteur II dans le système optionnel.
On prétend donc que le problème de l’accès aux soins est l’existence du secteur II, alors que la vraie cause est le refus chronique depuis cinquante ans de payer à sa juste valeur, en tenant compte de ses charges, une profession indispensable et les services dévoués qu’elle rend.
Le rideau de fumée est quand même en train de s’éclaircir, puisque cette politique mène à ce que, dévoués mais pas masos, 11 % seulement des diplômés en médecine générale se sont installés l’an dernier, et près de mille confrères dans la force de l’âge ont dévissé leurs plaques.
Les revenus des médecins français étant maintenant égaux à ceux des médecins tchèques, il suffit d’attendre un peu, quand nous serons au niveau des confrères roumains, ceux-ci ne voudront plus s’installer en France, et enfin les politiques ne pourront plus cacher que les probèmes d’accès aux soins et autres déserts médicaux sont bien un problème d’honoraires… ceux de la profession tout entière !
En attendant cette catastrophe annoncée qui concerne toute la population, je suggère à Madame Touraine de très vitre profiter de la Légion d’Honneur que Monsieur Hollande ne va pas manquer de lui décerner pour ce signalé service mais, par pitié, pas sur un tailleur rose !
Déremboursement et prévention physiologique primaire
Paris (75)
Dr Bernard Jouanjean
La physiologie constitue naturellement un système de prévention autonome qui nous permet de nous reconnaître dans la glace chaque matin (normalement !). En effet, le résultat physiologique de l’homéostasie est la perception d’une identité physiologique dynamique qui peut se modifier au cours du temps. La maladie constitue un dérèglement physiologique que l’on analyse en physiopathologie. Ces mécanismes de dérèglement peuvent être aigus ou chroniques.
On voit donc se distinguer trois états de santé différents que l’on définit comme la bonne santé, la maladie aiguë incluant les urgences, la maladie chronique et le handicap.
Qu’entend-on donc par prévention physiologique ou physiopathologique ? Lorsqu’un sujet est fonctionnellement normal (steady-state), c’est-à-dire qu’il est spontanément équilibré, il est dans un état de santé primaire. C’est de fait l’état d’un sujet dit en bonne santé. S’il est fonctionnellement normal, il est cependant aujourd’hui possible de mettre en évidence des facteurs de risque qui pourraient avoir une incidence et créer un déséquilibre pathologique. Si ces facteurs de risque ne constituent pas pour autant une maladie, il n’en est pas moins vrai qu’un médecin de prévention physiologique primaire pourrait lui prescrire des thérapeutiques adaptées. On peut trouver de nombreux exemples, comme l’hypercholestérolémie non compliquée, l’hyperuricémie sans effets secondaires, etc. On voit ainsi se dessiner une prise en charge thérapeutique de la prévention primaire. En prévention physiopathologique secondaire et tertiaire sont pris en charge des états de déséquilibre fonctionnel nécessitant l’intervention de thérapeutiques dites curatives.
Certains opposeront le fait qu’un tel découpage du système de santé ne faciliterait pas sa budgétisation. Je pense tout le contraire. Il serait par exemple nécessaire pour chacun des trois niveaux d’intégrer quatre paramètres dénommés « VISA » – signifiant Volontariat, Incitation, Solidarité, Anticipation. Chaque niveau pourrait être analysé sur un plan individuel et collectif. Il serait alors possible de rechercher les représentations économiques existantes qui seraient le plus susceptibles de prendre en charge chaque niveau. Cette approche est décrite dans le livre « Physiologie du risque face à l’Histoire » (éditions l’Harmattan), préfacé par Monsieur Claude Hagège, Professeur au Collège de France et diffusé en Inde et dans les pays anglophones sous le titre « Health,Culture and Society » (éditions Pranit Rawat).
Aujourd’hui, le déremboursement de certains médicaments qui ont été précédemment largement prescrits démontre qu’il existe un hiatus dans la prise en charge thérapeutique globale. Ce vide est simplement dû à l’existence d’une bipolarité dans le système de santé opposant santé et maladie, prévention (sans traitement) et curatif. Comme de plus, on a considéré jusqu’à présent qu’il n’y avait pas de thérapeutique en prévention primaire, ces médicaments ne trouvent plus de place.
De fait, la décision gouvernementale de ne plus rembourser certains médicaments qui avaient été largement prescrits et qui avaient reçu une AMM apporte une preuve de plus que notre système de santé est obsolète. Il n’existe pas d’égalité entre les médicaments et, tout en considérant la puissance d’action de certains médicaments, il ne faut pas nier une certaine activité de médicaments reconnus comme d’action insuffisante dans le contexte actuel. Chaque médicament doit prendre sa place au sein d’un système de santé homogène. De par leur faible activité mais cependant réelle, ces médicaments peuvent trouver une place en prévention physiologique primaire.
De plus, devant l’afflux de médicaments non contrôlés et l’automédication, le fait qu’ils aient reçu une AMM prouve qu’ils ont obtenu à leur époque une reconnaissance. Ils faciliteront le choix des patients et des médecins faisant de la prévention primaire. C’est pourquoi il apparaît que cette décision de déremboursement est un véritable « cheval de Troie » qui pourrait ouvrir la voie de la prévention primaire et redonner espoir aux laboratoires pharmaceutiques et aux médecins qui se sentent bafoués par une décision concernant un système de santé inadéquat.
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