Le conflit de Notre-Dame-des-Landes

Les Verts deviennent gênants

Publié le 21/11/2012
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LE POUVOIR pourrait certes renoncer à son projet, mais il perdrait beaucoup de son autorité, d’autant que, au lendemain de l’élection présidentielle, après un moratoire qui a apaisé les écologistes pendant la durée de la campagne électorale, il a tenté de passer en force. En revanche, s’il maintient le projet, Cécile Duflot, ministre du Logement et Pascal Canfin, ministre du Développement, quitteraient forcément le gouvernement. Le projet de grand aéroport international de Nantes est, on le sait, cher à Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes et actuel Premier ministre. L’erreur commise par le chef du gouvernement, c’est sans doute d’avoir sous-estimé l’hostilité au projet et de s’abriter derrière le juridisme : François Hollande lui-même a insisté sur la force du droit, c’est-à-dire sur le fait qu’au bout de quarante ans d’atermoiements, toutes les autorisations ont été accordées, que les préventions de nature environnementale ont été levées et que les Verts ne peuvent pas, dans ces conditions, se dresser contre la chose jugée.

Est-ce bien nécessaire ?

Pas du tout, répondent les écologistes, qui, dans cette affaire, font de la procrastination leur arme la plus efficace : toutes les administrations n’ont pas rendu leur verdict, et le gouvernement veut aller plus vite que la musique. Qu’au bout de quatre décennies de discussions, le pouvoir souhaite en finir semble légitime. Malheureusement pour lui, l’utilité d’un nouvel aéroport n’est pas prouvée. Il existe déjà un aéroport plus près de Nantes, qui n’est pas saturé, la région semble suffisamment desservie et un nouvel aéroport pourrait bien ne pas trouver un rythme de fonctionnement suffisant. Or le projet coûte cher. C’est une affaire public-privé, qui engage les collectivités locales à verser un loyer élevé au maître d’œuvre, en l’occurrence le constructeur Vinci. Au moment où l’on ne parle que des dépenses publiques, parfois pharaoniques, qui contribuent à l’accroissement de la dette, on se dit que, si M. Ayrault n’avait pas tellement envie que l’aéroport voie le jour, peut-être que l’on pourrait s’en passer.

D’autant que la souffrance des gens qui vivent sur place est à la mesure de la dimension du projet. Des agriculteurs, des propriétaires terriens, des habitants ont été expropriés ou vont l’être, alors que les terres sont cultivables et riches. Ceux qui s’opposent dans cette affaire sont d’une part des hommes et des femmes qui associent le bonheur de vivre à la douceur bucolique et des gens qui veulent introduire plus de modernité dans la société française.

UNE AFFAIRE CONSTERNANTE POUR LA GAUCHE

Mais, qu’il soit bon ou mauvais, le projet est surtout un brûlot politique qui dresse EELV contre le pouvoir auquel il est associé. Le gouvernement, ces dernières semaines, a réagi par une répression assez brutale, comme s’il faisait siennes les méthodes de la droite lorsqu’elle est confrontée à des radicaux gauchistes et violents. Il y a un peu de cela dans les soutiens obtenus par les Verts et, parmi les manifestants, se sont glissés des provocateurs et des irrédentistes prêts à en découdre avec la maréchaussée.

Il n’empêche que, sur le plan politique, le résultat est consternant pour la gauche. Si Cécile Duflot continue à jouer une partition totalement discordante dont elle fait le moteur de son parcours ambigu, François Hollande apparaît de plus en plus comme un président dont les convictions socialistes recule face à la réalité économique. C’est probablement la raison pour laquelle Jean-Luc Mélenchon, que l’on ne savait pas écologiste, est devenu ces derniers jours le fer de lance de la révolte contre Notre-Dame-des-Landes. Il lui tarde de démontrer qu’il est le seul à pouvoir engager en France une politique économique et sociale qui soit réellement socialiste et qui ne fait aucun compromis avec le capital. On peut le prendre ou non au sérieux, on peut penser que M. Hollande, disposant d’une majorité absolue à l’Assemblée, n’a aucun compromis à faire. Mais on remarque, tout en même temps, que le chef de l’État, dès lors que, sous l’emprise de la crise, et, en l’occurrence, pour satisfaire son Premier ministre, il renonce à une partie de ses ambitions affichées, sera contraint de plus en plus à payer le prix de ce renoncement sur le plan politique.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9193