1,4 million de morts, 3 594 900 blessés ; 600 000 invalides ; 300 000 mutilés et amputés ; 42 000 aveugles, 15 000 gueules cassées*... c’est l’effroyable bilan humain de la Première Guerre mondiale en France. Tout au long de ce conflit, les améliorations apportées aux évacuations sanitaires par voie ferrée sont, toutefois, décisives, en permettant de sauver de plus en plus de vies. C’est ce que démontre Aurélien Prévot, professeur d’histoire, dans un chapitre de son ouvrage consacré aux trains sanitaires dans la Première Guerre mondiale.
L’auteur met, tout d’abord, en lumière l’horreur des premiers mois de combat durant lesquels la rapidité des évacuations est privilégiée au détriment de la qualité des soins. « Les blessés quittaient le front par n’importe quel train, sans réel contrôle ni même tri. Un grand nombre de soldats mouraient des suites de leurs blessures, victimes de la gangrène », relate Aurélien Prévot. Manque de personnel, de propreté, de lumière, mauvais état des suspensions entraînant l’entrechoquement des brancards... la prise en charge des blessés - notamment à bord des trains « improvisés »** - n’est, alors, guère enviable. Il n’existe, par ailleurs, aucun moyen de transport adapté à l’évacuation d’un groupe limité de blessés (200-250 par jour). La situation évolue, toutefois, dès octobre 1914 avec la création de trains dits « semi-permanents »***, d’une contenance moyenne, apportant davantage de confort aux blessés, dotés de deux médecins, d’un pharmacien et de 40 infirmiers.
Très vite, la doctrine de l’évacuation rapide, à outrance, des blessés par train sanitaire est abandonnée. Seuls les blessés mis en condition d’évacuation dans un hôpital rapproché du front - pour pouvoir supporter sans danger le transport par voie ferrée - bénéficient de l’évacuation par train sanitaire. Les autres sont soignés sur place.
Une organisation calquée sur l’hôpital
À l’intérieur des trains, l’organisation du service sanitaire s’améliore progressivement en se calquant sur celle de l’hôpital : le médecin chef visite les grands blessés plusieurs fois par jour, administre les traitements urgents, pratique les injections antitétaniques... Dès 1915, la majorité des trains sanitaires sont des « semi-permanents ».
Jusqu’à la fin de la guerre, les progrès ferroviaires et médicaux sont notables. Le Dr Alfred Mignon en témoigne dans ses écrits**** : « Un blessé ayant un éclat d’obus dans le genou avait de fortes chances en 1914 de mourir de la gangrène à Bordeaux ou à Nice ; en 1915, on lui eût coupé la cuisse dans l’ambulance de l’avant (…) ; en 1916, on eût réséqué son articulation et il en eût sans doute guéri, en ankylose avec sa jambe raide à jamais. Enfin, en 1918, on eût conservé sa jambe et sa cuisse et l’intégralité presque absolue de la flexion de celle-ci sur celle-là. » Sur toute la durée du conflit, les chemins de fer ont évacué près de cinq millions d’hommes, soit 120 000 rotations de trains sanitaires.
Dans son ouvrage, Aurélien Prévot détaille - en une quarantaine de pages - les caractéristiques des trains utilisés tout au long de la guerre pour le soin des blessés, notamment l’organisation matérielle et médicale à bord. Un focus sur les trains sanitaires anglais et américains est également proposé. Richement illustré et documenté, le livre dans son ensemble nous plonge en plein cœur de la Grande Guerre sous l’angle des chemins de fer dans tous leurs aspects : matériel, administratif, politique, sanitaire... Aurélien Prévot signe, ainsi, un ouvrage instructif inédit et complet, fruit d’un important travail de recherche.
* Les Chemins de fer français dans la Première Guerre mondiale. Une contribution décisive à la victoire, Aurélien Prévot, Auray, LR Presse, 2014, 424 p. 49,90 euros.
**Les trains improvisés sont formés à partir de wagons de marchandises couverts transformés en wagons porte-brancards.
***Semi-permanent signifie que les voitures de ces trains peuvent être remplacées par d’autres du même genre.
****Le service de santé pendant la guerre 1914-1918, IV, Mignon Alfred, Paris, Masson, 1926-1927.
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