IL NE FAUDRAIT pas voir dans ce rapport d’étape de la mission sur l’avenir de la psychiatrie, ciblé sur les soins sans consentement, un désaveu de la loi du 5 juillet 2011. C’est par pragmatisme, eu égard à un calendrier imposé, que les députés Jean-Pierre Barbier (président, Isère, UMP) et Denys Robiliard (rapporteur, Loir-et-Cher, SRC) ont choisi cette porte d’entrée.
Le 20 avril 2012, le conseil constitutionnel a censuré deux dispositions du code de la santé publique issues de la loi de juillet 2011. Les sages avaient reporté leur abrogation au 1er octobre 2013 pour laisser le temps au législateur de modifier la loi.
L’enjeu est d’autant plus pressant qu’entre 2006 et 2011, les hospitalisations sous contraintes sont passées de 54 500 à 78 300. Le nombre de saisines du juge des libertés et de la détention (JDL) stagnait, lui, à 62 823 en 2011.
La mission Robiliard s’est d’abord attelée à ces dispositions jugées anticonstitutionnelles, qui concernent le régime dérogatoire applicable à la sortie des personnes ayant séjourné en unités pour malades difficiles (UMD) ou pénalement irresponsables. Pour elles, les articles L.3211-12, alinéa 2, et L.3213-8 du code de santé publique prévoient que le juge des libertés (JDL) ou le représentant de l’État dans le département soient obligatoirement saisis pour ordonner la mainlevée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement. Ils doivent recueillir l’avis d’un collège de soignants et deux expertises établies par des experts psychiatres.
Le conseil constitutionnel estime que la loi ne protège pas suffisamment les psychotiques contre le risque d’arbitraire, notamment au niveau des critères d’admissions en UMD ou des conditions de décision de l’irresponsabilité pénale. Des personnes seraient ainsi soumises sans garanties suffisantes à un régime très rigoureux.
Distinguer UMD et irresponsabilité pénale.
« Techniquement on peut ne pas légiférer », affirme Denys Robiliard. Si le législateur ne se manifeste pas, les deux articles seront abrogés au 1er octobre 2013, et les patients en UMD ou irresponsables pénalement rentreront dans le droit commun de toutes les hospitalisations sous contraintes.
Une situation légitime pour les patients hospitalisés en UMD, selon Denys Robiliard. « Quand un patient passe d’un service de réanimation à un service de chirurgie, il n’a pas besoin de l’intervention d’un préfet. L’UMD, c’est comme un service de réanimation », compare le député. Et d’insister sur la finalité thérapeutique : l’UMD suppose un renforcement des moyens, comme une unité de soins intensifs. L’aspect carcéral ne doit pas primer et la fermeture du service n’est d’ailleurs pas spécifique à l’UMD. Enfin, la mesure de soins sans consentement n’est pas levée après la sortie de l’UMD.
En revanche, la mission d’information préconise un régime plus rigoureux de mainlevée des mesures appliquées aux déclarés irresponsables. « Pour une personne qui est passée à l’acte, il faut multiplier les contrôles. Cela rend la mainlevée plus acceptable par la société », explique au « Quotidien » Denys Robiliard.
Les députés ajoutent qu’il faudrait améliorer la loi au niveau des garanties légales encadrant l’admission en UMD. Pour les irresponsables pénaux, la mission préconise à la justice d’alerter le préfet en cas de crime et non systématiquement et demande une information préalable de la personne.
Vers un plus large toilettage
Au-delà de cette réponse ponctuelle au Conseil constitutionnel, la mission Robiliard balaie à travers 17 recommandations plusieurs pistes d’amélioration de la loi du 5 juillet 2011.
Sur le plan de la santé publique, la mission relève l’incohérence de la notion « d’admission en soins sans consentement », et suggère de la remplacer par « placement ». Elle insiste sur l’importance d’un examen clinique à l’entrée de l’établissement. « L’espérance de vie des malades mentaux est moindre : ils ont moins de facilité à se faire soigner, et dans certains hôpitaux psychiatriques, on risque de passer à côté du somatique », explique Denys Robiliard. La mission suggère de rétablir la sortie d’essai sur décision médicale, supprimée par la loi de 2011.
Elle s’interroge ensuite sur les personnes compétentes pour décider des soins sans consentement. Le préfet intervient dans un quart des décisions. « Son rôle est remis en cause, reconnaît Denys Robiliard. Mais qui d’autre peut intervenir ? » Les médecins ne souhaitent pas prendre une telle décision même s’ils y contribuent, les professionnels des ARS ne sont pas toujours formés à la psychiatrie, les maires pourraient avoir des pratiques hétérogènes. Quant aux juges, (ce qui est le cas en Belgique ou au Québec) il y a un risque de stigmatisation. « Le psychotique serait présenté parmi d’autres délinquants entourés de gendarmes... Cela augmenterait sa souffrance », souligne le député. Et de conclure : « La mission n’a pas eu d’argument solide pour faire sortir le préfet du dispositif.
Intervention de la justice.
En matière de contrôle judiciaire, la mission ébauche un premier bilan de l’intervention du juge des libertés et de la détention (JLD), facultative en cas de soins sous contraintes, et automatique en cas d’hospitalisation. Difficultés d’accès aux juges (les patients sont rarement au fait de leurs droits), assistance aléatoire d’un avocat (la personne qui n’est pas en état de consentir aux soins en sollicite rarement un), et de trop longs délais avant que la justice ne statue : le système dysfonctionne. La mission préconise donc de ramener le délai dans lequel le JLD doit statuer pour une hospitalisation de 15 jours à 5 jours. Elle demande en outre que les audiences se tiennent par principe non au tribunal (ce qui est vrai aujourd’hui pour 2/3 des cas), mais à l’hôpital dans une salle aménagée, à huis clos, sauf si le patient ou le juge en demandent la publicité. La visioconférence doit être limitée aux cas de force majeure.
La mission doit désormais élargir son spectre d’analyse. Elle prévoit de se pencher sur la pédopsychiatrie, la précarité, la sectorisation et la contention et l’enfermement. « On observe de la contrainte hors l’hôpital, dans les EHPAD par exemple. C’est une vraie question », soutient Denys Robiliard.
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