LE BPA a la propriété de se lier aux récepteurs estrogéniques. Même si son activité estrogénomimétique est très faible par rapport à l’estradiol, son omniprésence dans notre environnement (revêtement interne des boites de conserve, tickets de caisse
...) est une source d’inquiétude concernant divers aspects de la santé, et en particulier les fonctions de la reproduction. Le singe Rhésus est un modèle idéal pour l’étude de la toxicité de ce type de produits car les taux d’estrogène au cours de la grossesse, chez ce primate, sont très proches de ceux observés dans l’espèce humaine. Les chercheurs ont établi deux protocoles d’administration (par dose orale unique ou par implant de capsules de Silastic à libération contrôlée) : au cours du deuxième trimestre de la gestation (50 à 100 jours de gestation [GD]) et au troisième trimestre (GD 100 jusqu’au terme).
Chez le singe Rhésus, les ovocytes entament la méiose au second trimestre et sont en milieu de prophase à environ GD 100. Lors de l’exposition au BPA à ce stade (« précoce »), on n’observe pas de différence par rapport aux animaux contrôles lors de l’administration d’une dose unique (0,51 ng/mL) de BPA. En revanche, lors d’une libération continue du produit, il existe une augmentation significative du nombre de recombinaisons intra-chromosomiques ; l’évaluation se fait au travers du calcul du nombre de foyers MLH1 au niveau des complexes dits « synaptonémaux » (SC) des cellules pachytènes. Ces complexes protéiques permettent l’association des chromosomes homologues entre eux lors de la prophase de la méiose-I et les foyers MLH1 sont utilisés pour l’évaluation des crossing-overs.
Deuxième temps de l’étude : qu’observe-t-on lors de l’exposition au BPA au dernier trimestre de la gestation ? Les auteurs ont évalué le nombre de follicules secondaires et de follicules antraux dans la région médullaire de l’ovaire chez les nouveau-nés femelles des guenons. Quand celles-ci ont reçu une dose orale unique (0,31 ng/mL) de BPA, on observe un plus grand nombre d’ovocytes (4 à 5 ou plus de 5) dans les follicules des nouveau-nés que chez les contrôles. Au cours de l’administration continue, la proportion de follicules à 4 ou 5 ovocytes, ou plus de 5, est également plus élevée. On note, en outre, dans certains follicules en croissance, l’existence d’ovocytes de taille différente, mais l’analyse des follicules secondaires et antraux objective aussi la présence, dans la région médullaire des ovaires, de nombreux ovocytes petits et non enclos.
L’équipe de Catherine VandeVoort montre donc que l’ovaire fœtal est sensible à l’exposition au bisphénol A chez le singe Rhésus comme chez la souris. Les altérations mises en évidence ressemblent à celles observées chez le rongeur, à savoir qu’elles portent à la fois sur les événements de la prophase méiotique et sur la constitution des follicules ovulaires. Ces résultats prennent toute leur signification sachant les rapprochements étroits entre les taux de BPA non conjugué (donc bioactif) dans l’espèce humaine et dans l’espèce simienne.
Il reste cependant des points à éclaircir : pourquoi, par exemple, n’observe-t-on pas d’impact sur les événements recombinatoires en prophase lors d’une dose orale unique de BPA, alors que cet effet est constaté lors de son administration continue ? D’un autre côté, la découverte, surprenante, d’ovocytes non enclos et leur subsistance dans la zone médullaire de l’ovaire mérite attention : les études antérieures suggèrent en effet qu’à ce stade de la grossesse, ces types d’ovocytes sont éliminés par apoptose. Les Américains avancent donc l’hypothèse que cette observation, jamais faite après administration unique du bisphénol, pourrait être un caractère propre à l’exposition continue au BPA au moment de la formation des follicules.
Catherine A. VandeVoort et coll. Bisphenol A alters early oogenesis and follicle formation in the fetal ovary of the rhesus monkey. Proc Ntl Acad Sci USA (2012) Publié en ligne
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