NON SANS QUELQUE HUMOUR, Martine Aubry a déclaré qu’elle n’avait pas les moyens de prêter de l’argent au gouvernement. On a tout lieu de croire cette femme éminemment intègre. En même temps, elle met l’accent sur un point essentiel de la science économique : si les gens ont de l’argent pour participer à un grand emprunt, ils en ont pour payer un surcroît d’impôts. L’emprunt ne peut s’adresser qu’à ceux d’entre nous qui disposent d’une épargne. Ceux pour qui les fins de mois ne sont pas très pénibles. Ceux dont le revenu est suffisant pour qu’ils se constituent une cagnotte. Ceux qui, pour épargner, arrêtent de consommer et dont le comportement de consommateur ne sera donc pas affecté par une hausse des impôts. Il ne s’agit pas de les ruiner,mais d’exiger d’exu une contribution supplémentaire. L’emprunt, lui, aura pour vertu de les enrichir quelque peu, grâce aux intérêts annuels qu’ils vont toucher dans une sécurité absolue. Cependant, dès lors qu’on estime que la France vit largement au-dessus de ses moyens, puisqu’elle accumule désormais des déficits au rythme de 140 milliards par an, il serait logique, sinon agréable pour eux, de retirer une partie des excédents dont disposent les Français.
Qui doit payer ?
La vraie question est : quels Français ? Pas les chômeurs, dont le revenu s’effondre. Pas les Smicards, pas les bénéficiaires du RSA (ex-Rmistes), pas les classes moyennes déjà pressées comme des citrons. Les autres. Ceux qui prévoient de passer leurs vacances à l’étranger, ceux qui achètent encore des 4X4, ceux qui ont placé le maximum légal dans leurs livrets A, ceux qui, parce que justement ils ont un salaire confortable ou élevé, peuvent envisager une retraite décente. Les pauvres consommeront encore parce qu’ils sont loin d’avoir fait le plein de leurs produits de nécessité. Les plus riches arrêtent de consommer pour épargner. Ils sont certes vertueux et ne méritent pas d’être pénalisés, surtout dans un pays où la pression fiscale reste très élevée, comme ne manque jamais de la rappeler le chef de l’État. Mais nous formons une communauté nationale, nous devons être solidaires les uns des autres. Et on ne peut taxer que ceux qui peuvent être taxés.
Que fait l’emprunt ? Il ajoute une dette au reste de la dette. L’impôt, en revanche, permet de la stabiliser ou de la diminuer. Quand on affirme que les Français vivent au-dessus de leurs moyens, on dit en réalité que les ménages aisés vivent au-dessus de leurs moyens. Ce n’est pas le cas des pauvres dont le budget est inférieur à la satisfaction de leurs besoins. Certes, il n’y a pas de science exacte pour distinguer le nécessaire du superflu. C’est tellement vrai que, si vous obligez un cadre supérieur, habitué à la classe affaires, à voyager en économie, il ressentira aussitôt une très désagréable perte de statut.
La réduction du train de vie est dans tous les cas un appauvrissement. Mais il y a pauvre et pauvre. Vivre au-dessus de ses moyens en augmentant la dette, c’est à la fois avoir un revenu qui permet de dégager une épargne et bénéficier des multiples prestations sociales qu’offre notre société. Si les budgets, public et sociaux, sont déficitaires, il n’existe pas d’autre alternative que de demander aux nantis (pour autant qu’on puisse chiffrer leur statut) de payer un peu plus pour leur santé, un peu plus pour leur retraite, un peu plus pour la scolarité de leurs enfants.
Un chèque de 280 milliards.
Ce raisonnement a été aboli, il y a quelque dix ans, par le taux excessif de pression fiscale. Souvenez-vous, M. Sarkozy envisageait, au début de son quinquennat, de diminuer de cinq points en cinq ans le taux d’imposition global qui atteignait 45 %. Il a renoncé à ce projet. Maintenant, il campe sur ce taux et refuse tout net de l’augmenter. Il aurait raison si nous avions des finances plus saines, si d’année en année nous ne continuions à reporter vers nos enfants et nos petits enfants le fardeau de la dette, si nous n’étions parvenus à ce paroxysme d’endettement qui fait que la signature de la France inspire moins de confiance. Il ne s’agit d’ailleurs pas de résorber la dette en peu de temps. Il s’agit seulement d’envoyer un signal à tous ceux qui nous prêtent de l’argent pour reconquérir leur confiance et aller dans la bonne direction. Quand le gouvernement estime qu’il est impossible d’augmenter les impôts avant le retour d’une croissance substantielle, il fait un chèque en bois de 280 milliards (les déficits prévus de 2009 et de 2010) sur un compte où il ne possède pas un centime. Il court vers une de ces crises qui risque de l’obliger à faire un jour un geste scélérat ; par exemple, à aller chercher, de façon arbitraire, dans le portefeuille des épargnants, l’argent qui lui manque. Si gouverner, c’est prévoir, nous ne sommes pas sur la bonne voie.
Enfin, une hausse d’impôts pour les foyers aisés serait de toute façon insuffisante si elle n’est pas assortie d’une réduction de la dépense publique. M. Sarkozy établit une distinction subtile entre l’endettement qui favorise l’investissement, et donc la croissance, et l’endettement en pure perte. Les prêteurs, eux, sont insensibles à cette différence. Un sou emprunté est un sou qu’il faudra rendre un jour.
L’EMPRUNT AJOUTE DE LA DETTE À LA DETTE
Troubles du neurodéveloppement : les outils diagnostiques à intégrer en pratique
Santé mentale des jeunes : du mieux pour le repérage mais de nouveaux facteurs de risque
Autisme : la musique serait neuroprotectrice chez les prématurés
Apnée du sommeil de l’enfant : faut-il réélargir les indications de l’adénotonsillectomie ?