ÉRIC WOERTH est un ministre du Budget compétent ; c’est aussi un homme politique qui fut très engagé auprès de Jacques Chirac et l’est tout autant auprès de Nicolas Sakozy. Depuis le début de l’année, il envoie à l’opinion, grâce à de fréquentes apparitions sur les plateaux de télévision, des messages d’un constant pessimisme. En quelques mois, ses prévisions n’ont cessé de se modifier, mais toujours dans le sens d’une aggravation du pronostic. En mars, nous en étions à un déficit prévisionnel de 5 % ou plus, aujourd’hui, c’est une fois et demie plus (soit une augmentation de 150 % de la prévision). Depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, jamais les déficits publics n’ont été aussi élevés. En 1993, année de crise économique, ils ont atteint 6 %. Nous sommes donc dans une situation particulièrement grave, qui fait ressembler la France à un pays en développement. M. Wrth souligne que les déficits sont dûs à un manque à gagner énorme sur les recettes fiscales, qui s’effondrent principalement, notamment au niveau de l’impôt sur les sociétés qui va diminuer de moitié (25 au lieu de 50 milliards en 2009).
Politique de l’autruche.
Nous pouvons toujours nous rassurer en nous comparant à d’autres pays importants dont la situation n’est guère plus florissante, les États-Unis, par exemple, dont le déficit public pourrait atteindre 12 % du PIB, ou l’Allemagne, notre première partenaire commerciale, dont la chute de la production devrait atteindre 6 % cette année. C’est notre capacité à rebondir, à effacer dans un temps limité les secousses de la récession, qui pose problème. Le Premier ministre, François Fillon, semble se résigner à une croissance très basse (environ 0,5 %) en 2010 qui non seulement ne suffira pas du tout à remplir nos caisses mais n’entamera pas un taux de chômage de 10 % ou plus. M. Wrth, dans ses cris d’alarme répétés, semble s’adresser certes à l’opinion, mais aussi à M. Sarkozy, qui le laisse faire pour que les Français s’habituent -sans se révolter- aux dramatiques conséquences de la récession, mais ne semble disposer d’aucun instrument pour remédier, ne fût-ce que partiellement, à ce qu’il faut bien appeler une banqueroute nationale.
Or les effets de la crise économique sont le seul domaine d’action qui vaille, bien plus que la réforme de la Constitution, illustrée lundi par le discours du président de la République au parlement, la crise de l’éducation ou la déstabilisation de l’Iran, qui risque de dégénérer en guerre civile. Les actions, intérieures ou diplomatiques, de l’exécutif français, seront à terme obérées par la dislocation de notre économie. On pouvait admettre, il y a peu, que la récession fût combattue par des dépenses sociales, elles-mêmes alimentées par le recours systématique au déficit. C’est le grand principe du gouvernement, selon lequel on ne commencera à combattre les déficits qu’après la crise. Cependant, une croissance de 0,5 % est trop faible pour indiquer un rebond de l’économie ; elle ne permet pas, par exemple, de recouvrer des recettes fiscales suffisantes ni de réduire le taux de chômage. En conséquence, la question porte sur le délai de réaction aux effets dévastateurs de la crise. De toute évidence, et même si son jugement le met en contradiction avec le président, M. Wrth qui réitère ses cris d’alarme de mois en mois, chaque fois d’une manière plus inquiétante, semble souhaiter une politique immédiate (par opposition à une politique différée) de limitation des dépenses.
Réduire le train de l’État.
Il est en effet impossible d’accroître les recettes fiscales dans un contexte aussi déprimé, même si on augmente les impôts que paient les plus aisés d’entre nous. Il est de même impossible de diminuer les dépenses sociales alors qu’il faut secourir tant de détresses personnelles ou familiales. La solution réside donc dans une réduction draconienne du train de l’État. Cela suppose la mise au placard de nombre d’ambitions nourries par le chef de l’État, notamment en ce qui concerne les réformes. En tout cas, le budget 2009 devrait être mis à plat dès aujourd’hui parce qu’il a été prévu à une époque où l’on sous-évaluait encore les effets de la récession, lesquels n’ont commencé à se faire sentir qu’en septembre dernier. On dit souvent : nous aurons cette année une croissance négative de 3 %, cela signifie que nous allons produire 97 % de ce que nous avons produit en 2008. Certes, mais ces 3 %, qui semblent marginaux, sont décisifs pour ce qui est des profits des entreprises. Si elles se contentent d’équilibrer leurs comptes, ce qui n’est déjà pas si mal en période de récession, elle ne paie pas l’impôt sur les profits des sociétés. Sept pour cent du PIB, cela veut dire 125 milliards d’euros cette année, autant l’année prochaine. Nous avons touché un seuil, celui où l’on se demande non pas quand nous allons commencer à rembourser de telles sommes, mais s’il ne serait pas plus raisonnable d’envisager une diminution des dépenses.
LA QUESTION DES DÉFICITS RISQUE D’EFFACER TOUTES LES AUTRES
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