M. Zemmour n’est pas un histrion à écarter d’une pichenette. Il travaille beaucoup, il fait des recherches, il écrit abondamment pour mettre en place sa théorie. Face au déluge d’imprécations qu’il déclenche, il reste de marbre, il fait le dos rond, il sourit comme pour souligner qu’il n’est pas dangereux. Comme on lui demandait récemment s’il n’y avait pas dans ses idées une forte dose d’intolérance, pour ne pas dire de racisme, il a fait de gros yeux et déclaré : « C’est purement conceptuel ». Autrement dit, il n’en veut à personne en particulier, même s’il s’en prend constamment aux minorités, aux homosexuels, et j’en passe. Il a trouvé dans les médias des adversaires assez agressifs pour que je n’en rajoute pas ici. Il a un penchant, un goût, une culture, une prédilection pour la mise en scène de son propre personnage sur les plateaux de télévision, qui lui ont permis de sortir de l’anonymat où aurait pu l’enfermer la complexité apparente de ses convictions. Il a en outre compris, en écrivant « le Suicide français » qu’il pouvait y avoir entre cet ouvrage et la conjoncture pénible et durable où notre pays est plongé une formidable coïncidence, comme si M. Zemmour était vraiment en mesure d’expliquer à 65 millions de Français ce qui leur arrive, comme s’il leur ouvrait une fenêtre sur une époque déboussoulée, comme s’il leur donnait les clefs du mal national.
D’où son succès. Il a été malin : on l’abreuve d’injures, il peut mettre cette fâcheuse situation au compte de la bien-pensance ; et si on le conspue à la télévision, ses idées se sont répandues comme une traînée de poudre chez tous ceux qui, convaincus que la situation de la France est pratiquement désespérée, veulent, réclament, exigent qu’on leur propose une solution. Non, rétorquent les historiens, Vichy n’a pas sauvé les juifs, c’est la population française qui en a sauvé la majorité. Mais qui, chez ses fans, entendra la voix de la raison ? Il peut attaquer les droits de l’homme, trouver du talent et de la truculence à Dieudonné, il sera soutenu par tous ceux qui, justement, s’imaginent que, pour récuser la France d’aujourd’hui, sa mauvaise gouvernance et ses inextricables difficultés, il suffit de se jeter dans les bras de l’immoralité, du cynisme, de la haine des autres.
Inutile vérité.
En effet, qu’est-ce que M. Zemmour nous apporte de si original que nous devrions céder à ses sirènes ? Que dit-il qui serait si neuf et irrésistible ? Dans un salmigondis de pensées surtout iconoclastes, destinées à provoquer ou à choquer, il n’a rien d’autre à nous enseigner que ce qui nous a déjà été raconté par l’extrême droite ou par l’extrême gauche. C’est un simple réactionnaire, comme il y en tant et partout. Il répète avec vigueur ce que Marine Le Pen nous serine chaque jour et il va même au-delà de ce qu’elle dit puisque ses idées sur l’Occupation sont rejetées par Florian Philippot lui-même. Évidemment, le Front national, qui veut arriver au pouvoir, s’est assagi. Éric Zemmour, lui, n’a aucune responsabilité particulière et il peut bien, en s’appuyant sur des données contestables, réécrire l’Histoire. Il a infiniment plus besoin de parvenir à des conclusions surprenantes que de dire la vérité. Mais, le révisionnisme historique, l’intolérance, l’europhobie, le mythe de la grandeur nationale (la France ne sera grande qu’au sein de l’Union européenne), la théorie du déclin (qui ne résiste pas une minute à l’état réel de notre économie et à l’influence que nous avons dans le monde), nous connaissons tout cela. Je ne vois pas en quoi M. Zemmour les sacralise sous le prétexte qu’il a écrit un livre.
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