Le sociologue et militant contre le sida Daniel Defert, fondateur de l'association Aides, est décédé ce 7 février à l'âge de 85 ans, a annoncé l'organisation qu'il avait fondée en 1984, à la suite du décès de son compagnon le philosophe Michel Foucault, et qu'il avait présidée jusqu'en 1991.
Daniel Defert a contribué à « briser la chape de plomb entourant le VIH/sida », et à combattre les « stigmatisations », lui a rendu hommage Aides. L'universitaire, qui « laisse derrière lui le souvenir indélébile d'une vie militante », avait compris que « le silence et les stigmatisations » des personnes atteintes par le virus entravaient « la mise en place d'une réelle mobilisation, d'outils adaptés et de solutions efficaces », a poursuivi l'association dans un communiqué. « Nous poursuivrons sa lutte, notre lutte », a-t-elle ajouté.
Le patient au centre
Daniel Defert a « remis le patient au centre » de la lutte contre le sida, rappelle Aurélien Beaucamp, vice-président d'Aides après avoir été président de 2015 à 2021. « Sans lui, on n'en serait pas là aujourd'hui. À l’époque de la création d'Aides, en 1984, on n'avait ni test, ni traitement, et les malades étaient victimes d'un ostracisme très fort », souligne-t-il.
Agrégé de philosophie et militant de la « gauche prolétarienne », mouvement clandestin maoïste, Daniel Defert avait fondé Aides quelques mois après le décès de son célèbre compagnon Michel Foucault, en juin 1984 à l'âge de 57 ans. « Nous avions milité ensemble, et c'était un peu mon travail de deuil de continuer un travail militant », expliquait-il en 2000.
Ce sont les « mensonges et les malentendus », autrement dit les non-dits entourant la mort de Foucault, qui l'avaient conduit à s'engager dans ce combat, avait-il précisé en 1996. « J'ai voulu vivre ce deuil en continuant une histoire commune autour d'un enjeu éthique de prise de parole ».
Il s'agissait aussi d'affirmer la prise de pouvoir des patients, et le refus de retourner « mourir chez maman », comme l'a rappelé Robin Campillo, réalisateur de « 120 battements par minute » dans « Le Quotidien » : « Il y a urgence à penser nos formes d'action jusqu'à la mort, ce que les hétéros ont institutionnalisé depuis longtemps. Je ne retournerai pas mourir chez maman. (...) Face à une urgence médicale certaine et une crise morale qui est une crise d'identité, je propose un lieu de réflexion, de solidarité et de transformation », écrivait Daniel Defert le 29 septembre 1984.
Hommages des ministres de la Santé
Avec Foucault, Daniel Defert avait également participé en 1971 à la création de l'éphémère Groupe d'information sur les prisons (GIP), qui ambitionnait de donner la parole aux détenus, d'alerter sur les conditions de détention et de porter une réflexion sur le sens de l'incarcération.
Il fut membre de nombreuses institutions de santé publique : la Société internationale sur le sida (1986-1994), l'Organisation mondiale de la santé (1988-1993), le Comité national du Sida (1989-1998) et le Haut Conseil de la santé publique.
« Immense gratitude à notre très cher Daniel Defert. Que de souvenirs de nos luttes pour combattre toutes les discriminations. Un grand monsieur », a rendu hommage sur Twitter l'ex ministre de la Santé Roselyne Bachelot.
C'était « un homme exceptionnel d’humanité, un interlocuteur déterminant de la lutte contre le Sida et d’une manière générale de la reconnaissance des droits des personnes malades », a ajouté l'homme politique Claude Evin, également ancien ministre de la Santé.
Quant à la Première ministre Élisabeth Borne, elle a fait part de sa tristesse à l'égard de la disparition d'une « figure de la lutte contre le sida (...) qui a dédié sa vie à aider les victimes, à bâtir la solidarité ».
« C'est un combattant dont la voix manquera », a réagi sur Twitter la maire PS de Paris Anne Hidalgo.
« Les militant.es de la lutte contre le sida lui doivent tant. Il nous a montré le chemin. Il est notre pionnier », a également souligné Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la mairie de Paris chargé de la Lutte contre les discriminations.
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