Dérives du discours politique

Le cas Mélenchon

Publié le 14/10/2010
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Crédit photo : AFP

IL ARRIVE À M. MÉLENCHON de dire la vérité, par exemple quand il s’en prend aux banques après le mal qu’elles ont fait au monde. Avant lui, Olivier Besancenot, dans un genre toutefois beaucoup plus digne, a tiré sa popularité de la démystification des institutions qui, sous le couvert de l’ordre et de l’organisation, abritent souvent corruption ou malversations. Dans ces temps de précarité, les gens qui souffrent trouvent un exutoire dans cette dénonciation permanente et générale de l’effondrement des « valeurs » battues en brèche par les gravissimes conséquences de la crise.

M. Mélenchon apporte en outre un espoir : puisque tout va mal, il faut tout changer. Son cri de ralliement, souvent répété, (« Qu’ils s’en aillent tous ! ») et qui s’adresse aussi bien à la gauche classique qu’il a quittée qu’à la droite vite assimilée à son extrême, est applaudi à tout rompre même s’il n’est pas suivi d’effet. Oui, ça fait du bien de s’en prendre aux riches et aux puissants. Il y aura toujours, dans la tête des faibles ou dans les faibles têtes, cette idée de revanche sur les autres ou sur la vie qui les fera rejoindre les manipulateurs du peuple.

La faute de Sarkozy ?

Dès lors qu’il a décidé d’attaquer à peu près tous ceux qui ne partagent pas son analyse, M. Mélenchon ne risquait pas d’épargner les médias. Si vous êtes journalistes, n’ayez surtout pas la suicidaire témérité de lui demander s’il ne prèche pas dans le désert. C’est ainsi qu’un malheureux jeune homme, tout frais émoulu de l’école de journalisme, a reçu une volée de bois vert pour avoir osé poser une question à M. Mélenchon. Cette subite agression fomentée par un politicien chevronné contre un jeune qui découvre les périls des relations sociales contemporaines, c’était une sorte de mise à mort. Mais on accordera à M. Mélenchon qu’il ne dévore pas que les brebis. Il est capable d’engager le combat avec des journalistes mieux préparés, comme David Pujadas, le présentateur du journal télévisé de 20 heures à FR2, qu’il a traité de « laquais » au service du pouvoir, ce que M. Pujadas n’est pas le moins du monde.

D’aucuns nous diront, une fois de plus, que tout ça, c’est la faute de Nicolas Sarkozy, qui a démythifié le discours public en le vulgarisant et a donc donné l’exemple. Si le président se conduit de la sorte, un homme politique qui ne sera jamais président a bien le droit de l’imiter. Sauf que le chef de l’État, qui est souvent sarcastique à l’égard des journalistes et, pis, influe parfois sur leurs carrières (voir le cas d’Arlette Chabot, de FR2) n’a jamais perdu son sang-froid à la télévision. Il est vrai que M. Mélenchon ne le perd pas non plus et que ses injures sont préparées. Il n’est pas du tout fâché avec les médias : il les agresse et ils en redemandent, notamment parce qu’aucun journaliste ne veut donner l’impression qu’il a peur du chef du PG et que le public a vite fait de remarquer qu’un homme politique fait l’objet d’un boycottage discret. On reverra donc M. Mélenchon dans les journaux et à la télévision et il continuera son cirque avec la même veine. Voilà de la belle ouvrage.

DANS LE DÉBAT POLITIQUE, ON PEUT TOUT DIRE, MAIS AVEC DIGNITÉ

Par les temps qui courent, la dégradation du discours politique n’est sûrement pas la préoccupation première des Français. Il n’empêche que François Hollande, interrogé mardi sur le cas Mélenchon, s’est déclaré opposé à toute vulgarité dans le langage politique. On ne peut que l’approuver. Ce qu’il y a de nouveau avec M. Mélenchon, c’est la méchanceté. Il ne fait pas de quartier. Il s’emploie, par quelques mots choisis et outranciers, à feindre une colère qui a en réalité pour objectif de réduire à néant celui qui l’interroge, ce qui lui évite de répondre à la question. Si nous continuons de cette manière, nous aurons une campagne édifiante où le programme sera remplacé par la multiplicité des épithètes, des insultes, des jugements ad hominem, des procès personnels. Quant aux choix auxquels le pays est confronté, par exemple la réforme des retraites, M. Mélenchon a les solutions. Il nous dit, en gros, que ceux qui n’ont pas le courage de financer la retraite à 60 ans en puisant dans les poches des riches n’ont qu’à démissionner. Son autre maître-mot est : « Moi, je sais faire ! ». Il sait. Un homme qui balaie vos questions d’un geste de la main, qui va résoudre tous les problèmes, qui méprise ses adversaires et le leur dit, c’est qui ? Un autoritaire. Signe des temps : la crise économique, comme toujours, rétablit l’arbitraire et réinvente des hommes qui, en présentant des solutions simples réclament des pouvoirs simples, ceux du maître absolu. Bien entendu, M. Mélenchon répète tous les jours son attachement à la République. Il suffit de le croire.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8836