CETTE découverte « est très encourageante pour nous qui étions sans nouvelles et avions encore l’espoir de retrouver des corps ; nous allons enfin pouvoir les enterrer », a déclaré Nelson Marinho, président de l’Association des familles des victimes du vol AF 447, qui regroupe près de 100 familles de 12 nationalités différentes. Dans l’Hexagone, l’enthousiasme est beaucoup plus modéré. « Le problème des corps est un peu épineux. Il y a un aspect traumatisant. On ne sait pas dans quel état ils sont. Cela risque de susciter un débat entre les familles qui voudront laisser les corps au fond de l’Atlantique et celles qui voudront les remonter à la surface », a pour sa part indiqué Robert Soulas, vice-président de l’association française Entraide et Solidarité AF447.
« Les réactions ne peuvent être homogènes, il y a une ambivalence naturelle autour de la découverte des corps », décrypte Christian Navarre, psychiatre et auteur de « Psy des catastrophes : 10 années auprès des victimes »*. « Certaines familles seront soulagées et pourront enterrer leurs morts. Pour d’autres, cela arrive trop tard, le délai est une nouvelle épreuve, aggravée par l’état de cadavres immergés pendant deux ans. Cela peut réactiver le traumatisme. »
Représentation de la mort.
Les différences dans les réactions s’expliquent non tant par la personnalité des individus que par tout un faisceau de facteurs, selon le psychiatre : l’environnement familial, la religion, les capacités d’adaptation psychologique. Également par la façon dont on se représente la mort. « En France, la mort constitue une effraction dans notre illusion d’immortalité, le décès est généralement caché, reste enfermé dans l’enceinte des hôpitaux. La brutalité d’une disparition est dédoublée dans le cas d’un crash. » Si certains sont parvenus à vivre avec le souvenir, d’autres auront besoin de voir la dépouille. « Quand un corps s’évanouit, on parle de "deuil non-deuil". Les gens se demandent si leur proche est véritablement mort. Reconnaître un corps peut permettre de prendre conscience du décès », avance Christian Navarre.
Les familles devraient à nouveau bénéficier d’un soutien psychologique, sûrement différent de celui apporté en 2009 en urgence par l’équipe du psychiatre Didier Cremniter. « On ne part pas de rien, les proches ont déjà eu des contacts avec des professionnels et certains sont suivis ».
Dans tous les cas, l’organisation de funérailles est nécessaire, estime Christian Navarre. « Avec leur remontée sur terre, les corps changent de sépulture. Traditionnellement, les rites symbolisent la séparation entre la vie et la mort. Le surgissement des dépouilles change la donne : des cérémonies doivent être à nouveau organisées, c’est aussi une façon de leur rendre hommage ».
* Éditions Imago, 2007.
Sérologie sans ordonnance, autotest : des outils efficaces pour améliorer le dépistage du VIH
Cancer colorectal chez les plus de 70 ans : quels bénéfices à une prise en charge gériatrique en périopératoire ?
Un traitement court de 6 ou 9 mois efficace contre la tuberculose multirésistante
Regret post-vasectomie : la vasovasostomie, une alternative à l’AMP