Florange ne sera pas nationalisée

La solitude de Montebourg

Publié le 05/12/2012
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Crédit photo : AFP

L’ACCORD entre Mittal et le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, est incertain dans sa forme, dans son calendrier, et à propos des intentions réelles de Mittal pour l’avenir immédiat. Dès lundi, courait la rumeur que les hauts-fourneaux ne seraient plus alimentés en gaz et donc, qu’ils étaient condamnés. Du côté du gouvernement, on affirmait que les hauts-fourneaux seraient alimentés jusqu’en avril, ce qui n’est pas plus rassurant. Il n’y aura aucun licenciement, promet Mittal, mais, si les hauts-fourneaux sont abandonnés, que fera-t-il des ouvriers qui les font fonctionner ?

À ces incertitudes, s’ajoute le mystère d’une nationalisation que M. Montebourg considérait comme inévitable alors que M. Ayrault se contentait de l’utiliser comme moyen de pression sur son interlocuteur indien. Il demeure que le président de la République n’a pas désavoué M. Montebourg publiquement. Il l’a même laissé dire qu’il ne voulait plus de Mittal en France, ce qui était absurde et contre-productif. On voudrait croire que, dans l’esprit du chef de l’État, cette contradiction était calculée. Il se serait agi d’une manipulation de M. Mittal et de M. Montebourg à la fois. Le premier devait craindre le pire s’il ne faisait pas un effort financier, le second était plongé dans l’illusion que le grand soir était arrivé, peut-être pour donner plus de crédibilité à la menace qu’il brandissait.

LE POUVOIR EST PLUS AMBIGU QUE MACHIAVELIQUE DANS CETTE AFFAIRE

Dans ce cas, toute l’opération aura été foireuse. Hier, nous défendions l’idée d’une nationalisation limitée à Florange, qui pouvait être comprise comme la décision désespérée des pouvoirs publics, pas comme le retour anachronique d’un dogme qui, il y a 30 ans en France, a été balayé par la réalité économique. La seule mention du mot a suffi à augmenter la méfiance des investisseurs, du patronat et de nos partenaires européens. Inutile de rappeler que, au moment où nous militons pour une convergence fiscale et davantage d’intégration européenne, la nationalisation arrive dans le champ de l’Union comme un chien dans un jeu de quilles. Bref, si c’était une menace verbale, elle aura fait plus de dégâts à notre réputation qu’elle n’a apporté de bienfaits à Florange.

Si, en revanche, le président ou le Premier ministre n’ont pas mijoté ce scénario, cela devrait signifier qu’Arnaud Montebourg fait ce qu’il veut sans contrôle de sa hiérarchie, jusqu’au moment où il va trop loin et où il est désavoué dans les faits, sinon par une algarade du chef du gouvernement. Le fait que la date-limite de l’accord a été respectée, que le gouvernement a indiqué une satisfaction suffisante pour qu’il renonçât à la nationalisation, fût-elle « transitoire », comme on se plaisait à le dire en haut lieu, que M. Montebourg, à la fin de la semaine dernière, disparaissait soudain des radars médiatiques semble démontrer que, à aucun moment, François Hollande n’envisagé la nationalisation comme une solution. Dans ce cas, pourquoi a-t-il laissé Montebourg prononcer un mot qui a embrasé la planète financière ? Une fois encore, même si on est tenté par l’hypothèse d’un machiavélisme parfaitement inefficace et lourd de conséquences possibles à plus long terme, on penchera plutôt vers la seconde hypothèse, celle de l’improvisation complète de la politique gouvernementale.

Le pire, dans l’affaire, c’est la manière dont M. Montebourg a été utilisé. On l’a laissé croire que la gravité de la crise remettait ses idées personnelles au goût du jour. Il est déjà surprenant qu’il n’ait pas tiré de cette affaire la leçon qui s’impose, à savoir une démission immédiate. Mais, en outre, c’est à M. Hollande ou à M. Ayrault de se poser la bonne question : M. Montebourg peut-il rester au gouvernement, prétendre appliquer un programme qui est le sien, non celui de ses patrons, et perpétuer l’ambiguité, décidément néfaste, de la politique économique du pays ?

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9201