« L'intérêt médical est insuffisant pour une prise en charge par la collectivité », confirme la Haute Autorité de santé (HAS) au sujet de l'avis de la Commission de la Transparence (CT) sur les médicaments anti-Alzheimer révélée par une information publiée hier dans le journal « Libération ». Autrement dit, la HAS se prononce en faveur du déremboursement des quatre molécules utilisées toutes génériquées aujourd'hui (donézépil, rivastigmine, galantamine, mémantine).
L'avis de la HAS n'est que consultatif. Ce sera à la ministre de la santé de trancher. Les médicaments anti-ALzheimer sont très contestés depuis plusieurs années. En 2011, suite à une dégradation de l'amélioration du service médical rendu (ASMR), le déremboursement n'était pas passé loin, mais la prise en charge à 100 % dans le cadre de l'affection de longue durée (ALD) avait été maintenue par le ministre Xavier Bertrand.
L'avis de la CT, rendu hier mais encore non disponible, a été diffusé une semaine avant sa publication officielle. Interviewé par « Libération », le Pr Olivier Saint Jean, gériatre à l'hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP) et membre de la CT, explique que « l'efficacité est au mieux minime » et souligne l'absence de « mesure de l'impact de ces médicaments au long cours », tout en dénonçant le coût « de 100 à 130 millions d'euros par an » pour les 30 000 à 40 000 patients traités.
« Cela va faire du mal aux patients »
Cet avis n'est pas partagé par le Pr Mathieu Ceccaldi, neurologue à Marseille et président de la Fédération nationale des centres mémoire de ressources et de recherche (FCMRR), qui a défendu l'utilisation des anti-Alzheimer à travers une étude auprès des centres mémoire publiée au printemps et qui a co-signé un courrier adressé à la HAS avec d'autres présidents de sociétés savantes (Société française de gériatrie et de gérontologie, Société française de neurologie, Société de psycho-gériatrie de Langue française).
« Cela va faire du mal aux patients car les effets cognitifs et comportementaux ne sont pas substituables par d'autres molécules, regrette-t-il. Les praticiens vont se tourner vers les neuroleptiques, autrement plus délétères que les anti-Alzheimer ».
Mais ce n'est pas ce qui heurte le plus Mathieu Ceccaldi. « Les propos du Pr Olivier Saint Jean sont très choquants, estime-t-il, abasourdi. Il s'exprime sans aucune inhibition dans la grande presse avant même que l'avis soit accessible, je trouve cela inquiétant. »
Mathieu Ceccaldi dénonce de nombreuses « contre-vérités » qui portent le discrédit sur les sociétés savantes et sur l'association France Alzheimer. « Nous participons à des essais cliniques, nos supposés liens d'intérêt se résument à ça. De plus, Olivier Saint Jean va jusqu'à dire que les patients traités et suivis en consultation mémoire vont davantage en EHPAD. »
Et de poursuivre : « La vérité, c'est qu'Olivier Saint Jean appartient à un courant de pensée anti-médicament en gérontologie. Je suis le premier à défendre les approches non pharmacologiques, mais les médicaments sont un autre aspect de la prise en charge. La France est à contre-courant de ce qui se fait ailleurs et va se marginaliser pour faire de la recherche sur Alzheimer. Si les institutions veulent se doter d'experts "neutres", il faudrait qu'elles s'assurent aussi de l'absence de conflit d'intérêts idéologique. » Si le déremboursement était décidé, la France serait le premier pays à le faire.
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