MALGRÉ LES EFFORTS mis en œuvre pour les réduire, le nombre élevé de suicides et tentatives de suicides (TS) interpelle, avec près de 11 000 décès et 220 000 TS chaque année en France, soit une tentative toutes les quatre secondes. Et ces chiffres s’avèrent bien en deçà de la réalité.
Le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (Cépic-INSERM) évalue à ce jour à près de 10 % la sous-estimation des suicides dans les certificats de décès. Dans un projet d’avis adopté mardi, le Conseil économique, social et environnemental appelle tout d’abord à « articuler plus étroitement » le programme national d’actions contre le suicide (2011-2014) et la Plan psychiatrie et santé mentale (2011-2015). Mais plus qu’un défaut d’articulation, c’est surtout l’absence de consistance de ces plans qui inquiète.
Une coquille vide.
Le plan santé mentale, « c’est aujourd’hui un peu comme une coquille vide », résume le rapporteur du projet d’avis, Didier Bernus, infirmier et secrétaire général de la fédération FO des services publics de santé. Il faut dire que ce plan présenté en mars 2012 par l’ancienne secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra n’a jamais été accompagné d’une quelconque enveloppe financière. Comportant de très généraux axes d’actions, il devait en principe être décliné localement par les diverses Agences régionales de santé (ARS). Critiqué à l’époque par le parti socialiste qui n’y voyait qu’une initiative « sans conviction et sans ambition », ce plan psychiatrie semble désormais relégué aux oubliettes. D’autant plus qu’au ministère de la Santé, on entend aujourd’hui remettre à plat la plupart des plans de santé publique en perspective de la grande loi de santé publique promis en fin d’année dernière par Marisol Touraine. Quant au plan d’action contre le suicide(2011-2014) et ses 15 millions d’euros de dotation, « les moyens financiers ne sont toujours pas à la hauteur des objectifs affichés », constate le CESE.
Sur le plan local, si des programmes régionaux de prévention du suicide ont été mis en place dans une dizaine de régions, « les résultats sont en demi-teintes », poursuit le CESE. « La question de la prévention du suicide en France, ce n’est heureusement pas le désert des tartares », tente de positiver Didier Bernus. « Il y a beaucoup d’initiatives de terrain mais ces initiatives restent très militantes », estime le rapporteur qui s’inquiète de la situation difficile de la psychiatrie en France, de ses acteurs, de ses relais, laquelle « fragilise l’action en matière de prévention du suicide et remet en cause de plus en plus souvent des réseaux efficaces ». Le CESE évoque notamment le cas des structures d’accueil et de prévention du suicide qui « se raréfient dans des proportions très préoccupantes ». Ainsi, pour la seule région Ile-de-France, « du fait du manque de moyens budgétaires de ces établissements, des conventions ont été rompues et on est passé en 10 ans de 11 à 4 structures », note Didier Bernus.
Observatoire des suicides.
Pour le Conseil économique et social, « renforcer la prévention suppose une meilleure connaissance du suicide ». À ce titre, le CESE relance le serpent de mer de l’appel à la création d’un observatoire des suicides, évoqué depuis 1993 par le Pr Debout dans son avis présenté au CESE. « Les acteurs de terrain réfléchissent, agissent, recueillent beaucoup d’informations et accumulent des expériences. Rassembler toutes ces données, les partager, les faire connaître, renforcerait les effets de leur investissement », souligne l’avis du CESE.
Parmi les autres préconisations, le Conseil économique insiste sur l’importance de « promouvoir les dispositifs d’alerte » pour mieux « déceler le scénario de la crise suicidaire » aussi bien au niveau des proches que des professionnels de santé. Concernant la prise en charge de la crise suicidaire, le CESE suggère entre autres que « soit généralisé à tous les services d’urgence, un accès permanent à un psychologue ou un infirmier formé garantissant à chaque suicidant un premier contact avec une personne ressource ». En outre, les dispositifs de veille permettant de maintenir un lien avec les personnes sorties de l’hôpital méritent d’être étendu, ajoute le CESE qui prône le développement du réseau « soins de ville/hôpital », en lien avec les secteurs psychiatriques au demeurant « insuffisant » dans certains territoires. Après cet avis, « si l’on pouvait contribuer à une prise de conscience susceptible d’animer une volonté politique, on n’aura pas travaillé pour rien », conclut avec une note d’espoir Didier Bernus.
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