Si l’activité de greffes d’organes et de tissus est en hausse (+4,2 %) sur la période de janvier à fin mai 2022 par rapport aux premiers mois de 2021, elle n’a pas retrouvé son niveau des années 2018 et 2019, conséquence de la crise sanitaire, mais aussi d’une hausse du taux d’opposition.
« Nous ne retrouvons pas encore le niveau d'avant-crise, mais nous nous en rapprochons. C'est une dynamique qu'il nous faut amplifier », a commenté Emmanuelle Cortot-Boucher, directrice générale de l'Agence de la biomédecine (ABM), lors d’un point presse organisé en amont de la Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe et de reconnaissance aux donneurs qui se tient ce 22 juin.
Après une chute de 25 % en 2020 en raison de la pandémie, l’activité a progressé de 19 % en 2021, sans pour autant rattraper son niveau prépandémique. L’année a ainsi été marquée par une baisse d'environ 10 % par rapport à 2019. Fin 2021, si 5 275 greffes ont été réalisées, près de 11 000 personnes restaient sur la liste nationale d'attente.
98 greffes de plus
En ce début d’année 2022, la reprise observée concerne les greffes rénales (+6,4 %), hépatiques (+4 %) et pancréatiques (+33 %), tandis que l’activité de greffe pulmonaire stagne et que celle de greffe cardiaque baisse. Ce rebond correspond à 98 greffes supplémentaires sur les premiers mois de 2022 par rapport à la même période l’an dernier.
En parallèle, l’ABM rapporte une progression de l’identification des donneurs et des prélèvements. Le recensement de donneurs en état de mort encéphalique est ainsi en hausse de 6,2 % (72 donneurs supplémentaires) et les prélèvements de 1,7 % (+10 donneurs). Concernant les donneurs vivants (pour le rein principalement), le recensement a augmenté de 12,6 %.
Pour les donneurs décédés des suites d’un arrêt cardiaque après une limitation ou un arrêt des thérapeutiques (classification Maastricht 3), l’activité est également en hausse, avec une progression de 11 % du recensement (+ 23 donneurs) et de 14 % des prélèvements (+ 11 donneurs). Mais l’ABM relève un taux de conversion (passage de l’identification d’un donneur potentiel à un prélèvement effectif) inférieur à 40 % pour les donneurs Maastricht 3 depuis le mois de mars.
Une hausse des refus en lien avec la pandémie
La dynamique de l’activité de recensement et de prélèvement masque, plus globalement, une hausse du taux d’opposition des familles depuis 2020, relève le Pr Michel Tsimaratos, directeur général adjoint en charge de la politique médicale et scientifique à l’ABM. D’une moyenne d’environ 30 % sur la période de 2017 à 2019, le taux de refus a atteint 34,2 % sur les premiers mois de 2022, avec un pic à 37 %. Certains territoires sont particulièrement affectés, et notamment les régions Île-de-France (46,3 %), Lorraine (43,3 %) et Paca (40,2 %).
France Roussin, infirmière coordinatrice de prélèvement d’organes pour les hôpitaux Saint-Louis et Lariboisière (AP-HP), met cette tendance inquiétante « en lien avec la pandémie », les régions où le taux d’opposition est le plus important étant celles qui ont été les plus affectées par la crise sanitaire. Certains proches « n’ont pas vu le défunt mourir », en raison des restrictions sanitaires, rendant la décision « d’autant plus difficile », ajoute le Pr Tsimaratos, qui pointe également une hausse des inscriptions sur le registre national des refus par des antivax. France Roussin rapporte aussi la défiance de certains proches qui disent aux soignants : « La société ne nous a rien donné, on ne donnera rien. »
Parler du don en famille
L’enjeu pour l’ABM est ainsi d’insuffler un « civisme sanitaire », explique Emmanuelle Cortot-Boucher, alors que l’ABM relance pour l’été sa campagne de sensibilisation baptisée « Tous donneurs, tous receveurs. Un lien qui nous unit tous ». À côté d’un spot télévisé, d’affiches et de messages diffusés sur les réseaux sociaux, un ruban vert, symbole de ces dons, sera également visible sur les chaînes de télévision.
?Tous donneurs. Tous receveurs. Ce lien nous unit tous. ❤❤ En 2021, 5097 vies ont été sauvées grâce au don d'organes ❤❤
— Agence de la biomédecine (@ag_biomedecine) June 22, 2022
En cette 22e journée nationale de réflexion sur le don d'organes et la greffe, et la reconnaissance aux donneurs, parlons-en ! pic.twitter.com/m7p5lWIfQR
L’ABM souhaite ainsi « rendre hommage aux donneurs », poursuit sa directrice générale, mais elle vise surtout à inciter les Français à parler du don en famille, car les besoins, toujours croissants, ne sont pas complètement couverts. Car, si nous sommes tous présumés donneurs d’organes et de tissus (sauf inscription sur le registre national des refus ou information des proches), seuls 31 % des Français déclarent être bien informés sur le don, selon un sondage ViaVoice.
Pour relancer les dons, l’ABM mise également sur le quatrième plan Greffe (2022-2026), présenté mi-mars. Doté de 2 milliards d’euros sur 5 ans, dont 210 millions supplémentaires, il poursuit l’objectif d’atteindre entre 6 700 et 8 300 greffes en 2026. Cette ambition s’inscrit dans un contexte de désorganisation des parcours de greffe (don, prélèvement, etc.) liée à la crise sanitaire et de tension hospitalière.
Dans un communiqué, l’association Renaloo s’inquiète notamment « de l’absence d’avancée visible, dans le contexte dramatique de la crise de l’hôpital » et dénonce les « délais déraisonnables » annoncés pour les greffes à partir de donneurs vivants, « allant parfois jusqu’à 2024 ». Emmanuelle Cortot-Boucher se veut toutefois rassurante, rappelant que l’activité de prélèvement et de greffe d’organes et de tissus est une « priorité nationale » et ne doit pas subir de déprogrammation.
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