UN EXAMEN des révolutions inachevées du monde arabe ne vaut que par comparaison historique : celle de 1789 a été suivie de la Terreur, de l’Empire, de la monarchie et de révolutions complémentaires qui ont fini par imposer la République. Est-on en droit de demander une mise aux normes républicaines dans les pays arabes secoués par la violence qui ne prendrait qu’un an plutôt qu’un siècle ? On ne cèdera pas à une lassitude qui n’a pas encore gagné les insurgés syriens, les Égyptiens, les Libyens ou les Tunisiens. Ils continuent à se battre soit pour s’assurer soit que la conquête des libertés est irréversible, soit pour trouver un ordre qui ne sacrifierait pas les intérêts de certains groupes. On cèdera encore moins à l’idée veule que l’intérêt de ces peuples résiderait dans le statu quo. Il y a un temps du changement spécifique à chaque pays. Nous avons fait notre révolution il y a 223 ans. Elle ne pouvait se produire à cette époque dans le monde arabe.
LA MONTEE DE L’INTEGRISME RESULTE DE SCUTINS DEMOCRATIQUES
Cependant, même si l’imagination humaine prévoit rarement les rebondissements ou coups de théâtre propres aux grands changements, le monde de 2012 charrie un humanisme post-guerres mondiales qui rend insupportable la crise révolutionnaire. On n’accepte plus la violence indicible de la répression qui assassine sauvagement et indistinctement hommes, femmes et enfants en Syrie. On n’accepte plus la torture. Dans un monde qui vise au développement, c’est-à-dire à la décence humaine, on n’accepte plus le désordre libyen. On n’accepte plus la confiscation des avancées par des groupes porteurs d’obscurantisme, comme en Tunisie, où ce qui est en jeu, en définitive, c’est la cause des femmes, moitié de l’humanité, où le prétexte de la religion correspond à un projet pour les soumettre, alors qu’avant la chute de Ben Ali, elles bénéficiaient de droits qui les rendaient presque égales aux hommes.
Mais les peuples sont imprévisibles. En Tunisie, les salafistes, qui tentent de déborder Ennahda, parti islamiste relativement modéré, n’existent pas seulement parce qu’ils se livrent à des provocations entraînant des émeutes et tentent de renvoyer le pays à un fondamentalisme incompatible avec la nature même de la société tunisienne, ouverte par Bourguiba aux idées occidentales. S’ils comptent, c’est aussi parce que plus de Tunisiens ont voté pour Ennahda et pour les salafistes que pour les démocrates. Ce qui conduit à supposer que ceux qui ont manifesté pour réclamer le départ de Ben Ali ne constituaient qu’une minorité.
Un mauvais choix.
Comme au Caire où les rassemblements fervents de la place Tahrir et l’usage efficace d’Internet n’ont jamais entamé l’influence de l’armée qui a consenti à sacrifier Hosni Moubarak sur l’autel du changement, mais a gardé si bien ses prérogatives qu’elle fait annuler les législatives par le Conseil constitutionnel et tente d’imposer « son » candidat à la présidence. L’Égypte, c’est Charybde ou Scylla. Le choix n’est plus entre les Frères musulmans et les démocrates, il est entre le pouvoir militaire ou le pouvoir intégriste, alors que la révolution a été lancée spontanément par des jeunes et des femmes, insurgés éclairés, mais qui, malheureusement, n’ont pas su s’imposer lors des élections. Quoi que l’on pense des conditions dans lesquelles se sont déroulés les scrutins égyptiens, on ne peut pas récuser la victoire des islamistes dans les votes législatif et présidentiel. De la même manière, il y a eu en Tunisie des votes qui n’ont pas été contestés par les observateurs internationaux. Ils se sont traduits par une majorité Ennahda-salafistes. Dès lors qu’il s’agit, dans les deux cas, de choix démocratiques qu’on ne peut critiquer qu’à la marge, comment les manifestants laics ou féministes pourraient-ils prétendre que l’intégrisme confisque « leur » révolution ?
Une question lancinante est posée : faut-il attendre un siècle pour assister à l’avènement de la démocratie parlementaire dans le monde arabe ? Nous ne croyons pas un instant, comme Malraux, que « le XXIè siècle sera religieux ou ne sera pas ». Nous ne croirons jamais que, monde arabe ou pas, la religion et la politique puissent se confondre dans le même instrument de pouvoir. Nous croyons à la lente maturation des idées. La violence des dictatures finit par appeler celle des révolutionnaires. Le passage à la démocratie demande plus de temps, de patience et d’efforts. Nous, Européens, qui nous sommes écharpés longtemps avant de nous réunir, devrions méditer cette chance immense qu’est l’Union et que nos gouvernances désordonnées et infantiles sont en train de gâcher.
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