Tout vient à point à qui sait attendre : deux ans après le rapport Dhumeaux et les recommandations de la HAS réservant les nouveaux antiviraux à action directe (NAAD) aux patients infectés par le virus de l'hépatite C présentant un stade de fibrose F4, F3 ou F2 grave, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé ce matin l'ouverture, d'ici la fin de l'année, des nouveaux traitements de l'hépatite C à l'ensemble des patients.
« Concernant des patients F2, les patients transplantés ou en attente de greffe ainsi que des populations vulnérables tous stades de fibroses confondus, je signerai l’arrêté d’extension, après avoir reçu l’avis de la commission de la transparence, dès les prochains jours », a expliqué la ministre à l'occasion de la journée nationale de lutte contre les hépatites virales. Un autre décret d'application pour les patients infectés, F0 asymptomatiques et F1, sera signé sitôt que sera remis à la ministre un nouvel avis de la haute autorité de santé (HAS) sur les modalités de mise en œuvre de l’accès universel au traitement.
Deux ans d'attente
Cette annonce, très applaudie par un public principalement composé de professionnels de santé engagés dans la lutte contre les hépatites, a suscité de nombreuses réactions. « Cette décision remet la France parmi les pays leader en termes de prise en charge des hépatites, a estimé le Pr Daniel Dhumeaux, président du comité stratégique du programme national hépatites virales, (CHU Henri Mondor, Université Paris XII), il y aura un bénéfice thérapeutique très clair au plan individuel. » L'association AIDES salue pour sa part « la fin annoncée d'une aberration en santé publique ».
Si le président de SOS hépatite, le Dr Pascal Mélin accueille favorablement l'annonce de la ministre, il affirme cependant qu'il reste « des points d'interrogations, surtout concernant le risque discrimination positive entre la publication des deux décrets ».
Plusieurs, observateurs, dont le Pr Dhumeaux, s'interrogent en effet sur le « flou » qui entoure la définition de personne vulnérable : les femmes ayant un désir de grossesse en feront-elles partie ? Les personnes transfusées également ? Quid des patients dialysés qui étaient présents dans les autorisations temporaires d'utilisation des NAAF mais exclus des autorisations de mise sur le marché ? « Qui sera chargé d'écrire la liste de ceux qui rentreront dans la définition », demande enfin Marianne L'Hénaff, du groupe inter-associatif TRT-5.
Les RCP restent en place
Un point qui reste certain est le maintien des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) qui seront toujours consultées pour toute nouvelle prescription de NAAD. Le recours aux RCP est régulièrement dénoncé par des médecins et associatifs comme étant un moyen de contrôle du ministère sur les dépenses.
Une accusation que réfute la ministre : « Je veux rappeler que les RCP répondent à des préoccupations de santé et ne sauraient en aucun cas être un lieu de contrôle administratif des prescriptions », a-t-elle précisé. Marisol Touraine a par ailleurs exprimé sa volonté d'ouvrir la composition des RCP aux médecins exerçant en centre de santé sexuel CeGIDD ou en centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA).
Afin d'aider la HAS dans l'écriture de ses recommandations, l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) et le conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) ont été saisis pour rédiger un nouveau rapport sur l'évolution des modes de prescription qu'implique la mise à disposition des NAAD à l'ensemble des patients.
Ce rapport, que le président de l'ANRS, le Pr Jean-François Delfraissy, a affirmé vouloir confier au Pr Dhumeaux, devra s'interroger sur la nécessaire « augmentation des capacités de dépistage, estime ce dernier, des groupes de travail sur l'accès au soin des migrants et des consommateurs de drogues seront également montés ». Le Pr Delfraissy, a en outre promis « une série de propositions claires pour la mi septembre ».
Les prix des traitements doivent baisser
« Je le dis le plus simplement possible : les prix doivent baisser. Il n'est pas possible d'évoquer l'élargissement de l'accès au traitement sans aborder la problématique du prix » a enfin conclu Marisol Touraine. Selon des sources proches du dossier, de nouvelles discutions devraient s'ouvrir d'ici la fin de l'année entre le conseil économique des produits de santé et les laboratoires Gilead (qui produit Sovaldi et Harvoni) et AbbVie (Viekirax et Exviera).
Les associations, quant à elle, vont renoncer au recours aux génériques importés, solution qu'elles avaient un temps envisagée. Elles continuent cependant à militer pour que l'État soumette les NAAD au régime de la licence d'office. « Cela nous permettrait de produire des génériques en France », a déclaré une représentante de Médecin du Monde.
Greffe : les Français favorables au don mais trop peu informés
Maladie de Charcot : les troubles du sommeil précéderaient l’apparition des symptômes moteurs
Recherche
Cohorte ComPaRe : cinq ans d’enseignements tirés des patients
Traiter l’obésité pédiatrique améliore la santé cardiométabolique à long terme