La ministre de la Santé Marisol Touraine a salué le rapport du Pr Didier Sicard sur la fin de vie comme « un pas en avant » et « une brèche ». « Je crois qu’il est temps de pouvoir mieux prendre en compte les attentes de nos concitoyens, leur volonté de dignité, et que cette dignité s’exprime et soit réalisée jusqu’au bout de la vie », a-t-elle estimé.
À droite, les réactions sont plutôt hostiles et plusieurs députés ont signé un communiqué commun estimant que le rapport avait « franchi une ligne rouge ». Les députés écologistes et radicaux de gauche ont approuvé l’annonce d’une loi avant juin, jugeant insuffisantes les propositions Sicard.
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a été saisi afin d’étudier trois pistes d’évolution ouvertes par le rapport Sicard : comment et dans quelles conditions recueillir et appliquer des directives anticipées ; selon quelles modalités et conditions strictes permettre à un malade conscient et autonome atteint d’une maladie grave et incurable d’être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie ; comment rendre plus dignes les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus à la suite d’une décision prise à la demande de la personne ou de sa famille ou par les soignants. Certains comme l’oncologue, le Pr François Goldwasser craignent une dérive des pratiques.
Ils ont dit
Pr François Goldwasser, chef du service cancérologie à l’hôpital Cochin :
« Le rapport Sicard est malheureusement une régression éthique ...Appeler « sédation » tout à la fois la sédation thérapeutique d’une anxiété ou l’atténuation d’une dyspnée, en fin de vie, et l’acte intentionnel de provoquer le décès, crée un flou sémantique, berceau des dérives de pratiques. La même expression et les mêmes médicaments, dans la même situation, s’adresseront à des objectifs distincts. Une démarche éthique n’a rien à craindre de la clarté, de la transparence de la traçabilité ... Ce qui est proposé, c’est que l’infirmière ne sache pas très bien si elle fait Morphine Hypnovel pour soulager ou pour euthanasier. Et que l’on ne puisse pas tracer l’acte puisqu’il sera fait par des médicaments utilisés pour d’autres motifs (contrairement aux barbituriques utilisés en Belgique). C’est malheureusement à la fois non-éthique et facilement applicable, donc clairement le premier pas vers une dérive non maîtrisée des pratiques. Enfin, ce rapport est remis le 18 décembre 2012. C’est-à-dire en pleine crise économique ... En clair, nous assistons au même moment à une rétraction des solidarités ... et à une « avancée » en autorisant d’achever les mourants. Il faut être aveugle pour ne pas faire le lien : moins de moyens en aides-soignants et en infirmières, moins de soins de confort remboursés, c’est nécessairement davantage de demandes désespérées. Bref, il y a collision entre la crise économique et la réflexion sur la fin de vie. Cette simultanéité n’est pas évoquée dans sa genèse ni ses conséquences mais c’est un fait inédit dont les conséquences seront catastrophiques ».
Pr Philippe Juvin, chef du service des urgences de l’Hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP), député européen et secrétaire national de l’UMP :
« On attendait que le rapport Sicard nous éclaire dans le débat complexe sur l’euthanasie. En fait, sa lecture a plutôt pour effet de nous plonger dans des abîmes d’ambiguïtés. Ainsi, il est curieux d’ouvrir la porte au suicide assisté et de prétendre la fermer à l’euthanasie. Il est curieux aussi d’affirmer son opposition à l’euthanasie et d’écrire qu’on peut " lui (le patient) apporter la possibilité d’un geste accompli par un médecin, accélérant la survenue de sa mort’’ (...) Le rapport Sicard est décevant. Il affirme et ne prouve pas. Il reste ambigu sur les questions clés ».
Jean-Luc Roméro, président de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) :
« La loi Leonetti est la loi dont on a le plus parlé depuis 7 ans. Quand une loi est bonne, elle s’applique immédiatement. On ne pas constater tous les ans que cette loi que n’est pas appliquée ni connue. (...) Il y a des souffrances physiques et psychiques qu’on ne peut pas apaiser. Il serait temps de prendre en compte ces demandes-là ».
Vincent Morel, président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) :
« Le rapport met en évidence que la médecine doit aujourd’hui s’orienter très fortement vers les prises en charge palliatives et sortir du tout curatif. (...) Si l’on veut faire évoluer la prise en charge palliative, il faut faire un effort majeur sur la formation ».
Jean Leonetti, député UMP et rapporteur de la première loi sur la fin de vie en 2005 :
Dans ce rapport, « l’euthanasie est condamnée sans ambiguïté parce qu’il y a des dérives ». « On parlera souvent d’euthanasie et de suicide assisté et l’on oubliera toute la partie du rapport de Sicard qui dit combien on meurt encore mal en France. La loi (de 2005) est non appliquée et la culture palliative reste encore difficile à pénétrer à la fois dans nos pensées citoyennes et nos pensées médicales ». Chez les médecins, « il y a beaucoup d’améliorations cependant. Toute une génération a été formée à sauver, à guérir, et très peu à accompagner, à soulager. La formation est maintenant bien faite dans les universités. Mais pour faire un médecin il faut 10 à 15 ans. (...) L’acharnement thérapeutique coûte très cher en France. Si l’on convertissait les actes qui peuvent être considérés comme inutiles en fin de vie par des actes d’humanité, on se rendra compte que ça coûtera moins cher en coûts humain et financier ».
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