LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Comment est venue l’idée d’aborder la parentalité pour votre deuxième congrès ?
ISABELLE AUBRY - Il y a un an et demi, nous avons décidé de monter un groupe de paroles sur ce thème (voir encadré). J’y ai moi-même participé. Sur les dix-huit personnes présentes (victimes ou proches), il y avait cinq parents. J’étais la seule à avoir vécu ma maternité de façon heureuse et sereine. J’avais bien eu quelques doutes pendant ma grossesse mais… ce que j’ai entendu m’a fait mesurer l’ampleur du problème. J’ai entendu une femme raconter ses fausses couches incessantes, une autre dont les ovaires étaient complètement atrophiés. Nombreux sont ceux qui vivent de grandes souffrances du fait de l’impossibilité à réaliser ce besoin primaire, devenir parent, s’offrir une parcelle d’immortalité. Je dirais qu’un quart des victimes environ ont fait de leur parentalité un atout de reconstruction. C’est mon cas. J’ai ressenti depuis toujours le besoin d’être mère. J’ai fait mon bébé, toute seule, sans même avoir l’idée d’en informer le père. J’avais besoin de cela pour me maintenir en vie, la mienne ne me suffisait pas. Je suis allée voir un psy un jour, pour commencer une thérapie. Le soir même, je suis tombée enceinte. Je crois que j’avais senti que je pouvais compter sur son soutien. J’avais pourtant entendu des milliers de témoignages jusqu’à ce groupe de paroles, mais il n’était jamais question de la parentalité.
Vous qui déplorez le manque de données chiffrées concernant l’inceste en France, devez vous réjouir des études qui vont être présentées samedi…
Je voulais qu’interviennent non pas des personnes spécialisées dans la parentalité mais des chercheurs qui ont établi le lien entre l’inceste et la parentalité. Vous remarquerez cependant qu’ils sont tous étrangers, ou travaillant à l’étranger. Le seul domaine où je n’ai réussi à trouver personne, c’est celui de la procréation. Pourtant il y aurait des choses à dire là aussi.
Qu’attendez-vous de ce congrès ?
Une prise de conscience chez les victimes, qu’il faut parler des problématiques soulevées par le désir d’enfant et qu’il faut aller voir un professionnel quand on se pose des questions. Moi-même j’ai eu des visions sexuelles devant mon bébé nu. J’étais terrifiée. Je me suis dit cependant que si ces images m’arrivaient à l’esprit, si j’avais si peur, c’est que je ne passerai pas à l’acte. Mon psy me l’a confirmé. Les professionnels de santé doivent eux aussi mieux connaître les problèmes des victimes de l’inceste. Ils pourraient ainsi peut-être trouver les mots à dire à une femme qui hurle lors de son accouchement car elle ne supporte pas qu’on la touche. J’en ai rencontré une autre, seule avec ses six enfants car elle ne supporte pas l’idée de vivre avec un homme, qui avait subi quinze ou vingt IVG car pour elle, prendre la pilule représente un viol. Cela aurait mérité que les services qui l’ont reçue aient su l’écouter ou plutôt l’entendre. De même pour cet homme qui, craignant qu’il allait transmettre le gène de l’inceste s’il enfantait, a rencontré une femme stérile. Ils ont adopté un enfant. Et bien il lui est impossible de le toucher. Il vit dans cette angoisse permanente.
L’AIVI est l’une des rares organisations à s’être prononcée en faveur de la disparition de la Défenseur des enfants. Pourquoi ?
Parce que cette instance n’a aucun pouvoir, en matière d’inceste en tout cas. Si ce qui est énoncé est respecté concernant le futur « Défenseur des droits », nous avons l’espoir qu’il pourra prononcer une injonction lorsque ses recommandations ne seront pas suivies d’effet, proposer une transaction, être entendu par toute juridiction ou saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis sur les textes. Toutes ces prérogatives manquent à la Défenseure des enfants, qui par ailleurs se désintéresse totalement des victimes d’inceste.
Grâce à la loi proposée par la députée Marie-Louise Fort (UMP) le 28 avril dernier, l’inceste est en passe de figurer au Code pénal. La proposition a été acceptée par le Sénat, avec certaines modifications apportées par Michèle Alliot Marie et quelques sénateurs. L’Assemblée nationale vient également de valider ces modifications. Son adoption est donc proche. En êtes-vous totalement satisfaite ?
Disons que c’est un petit pas, un début. La choses très importante est que désormais l’enfant n’aura plus à prouver son non-consentement. L’autre avantage est que le champ d’accusation ne se limite pas aux seuls ascendants. Mais j’aurais aimé bien sûr qu’on en fasse un crime spécifique. Mais cela coûterait trop cher à la nation, les cours d’Assises sont déjà débordées.
Informations : aivi.org
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