POUR LE MOMENT, le gouvernement semble avoir gagné son pari, celui de faire adopter sa réforme des régimes de retraite sans déclencher une révolution nationale. Néanmoins, il ne sera pas tenu quitte de cette réforme autour de laquelle se sont cristallisés toutes les rancœurs et les frustrations. Si le projet de Nicolas Sarkozy consistait à faire de la réforme un atout électoral puissant, la baisse de sa cote de popularité, qui se poursuit, semble indiquer que, en réalité, elle réduit encore ses chances en 2012.
Le sceau du Parlement.
L’Élysée et Matignon estiment que l’adoption de la loi par la majorité va tourner une page, que les Français, qui, par le moyen des manifestations et des grèves, ont essayé de bloquer la procédure législative qui conduisait à la réforme, ne pourront pas s’opposer avec la même vigueur à un texte qui a désormais le sceau de la légitimité. Rien n’est moins sûr. L’analyse d’hier est la même aujourd’hui. Lycéens ou ouvriers s’expriment fort bien sur le sujet : ce n’est pas seulement la réforme qui les met en colère, c’est le pouvoir et ses méthodes. Le procès du gouvernement, et plus singulièrement, de M. Sarkozy, est souvent excessif, mal documenté, pas vraiment rationnel. Il n’en demeure pas moins que le président est perçu comme le promoteur d’un programme complètement injuste et inéquitable. L’idée, soutenue par des arguments assénés sans vérification par des syndicalistes, sociologues, économistes ou politiciens peu soucieux de la complexité de l’affaire, qu’une autre réforme est possible, reste le fer de lance de la contestation ; alors que, en réalité, seules les mesures d’âge sont susceptibles de parvenir, plus vite, à rééquilibrer les retraites. La réforme elle-même est d’ailleurs notoirement insuffisante. Le projet d’une retraite à points comparable à celle des régimes complémentaires commence à faire son chemin et aurait une chance de mettre un terme à une bataille qui divise le pays. Peut-être le gouvernement aurait-il dû, tant qu’à faire, s’immerger dans l’examen d’un projet plus sûr et plus novateur. Il est vrai, cependant, que les effets de la crise, lui interdisaient de tergiverser et de perdre du temps.
Mais, encore une fois, la réforme est l’apparence des choses. Elle a révélé qu’une majorité populaire écrasante existe en France qui rejette viscéralement ce que fait ce gouvernement. Et à la légitimité que confère la majorité actuelle à la réforme peut succéder en 2012 une autre majorité qui défera ce qui vient d’être fait. La stratégie de M. Sarkozy est claire : en réanimant la lutte des classes, il tente de reconstituer une majorité de droite qui s’étendrait du centre à l’électorat du Front national. Mais il ne peut accomplir cet exploit que si la croissance arrive à temps pour apaiser les classes moyennes, les partisans de François Bayrou et ceux qui, au sein même de l’UMP, doutent des choix du président. Or rien n’indique que, dans les dix-huit mois qui viennent, le sort matériel des Français va s’améliorer. L’Europe, tétanisée par ses divisions, par des institutions qui, manifestement, ne sont pas performantes et par la médiocrité de l’exécutif de l’Union, ne saura pas, en si peu de temps, relancer un dynamisme économique et politique du continent qui aurait pu aider la France, parmi d’autres, à reconquérir des marchés cruciaux pour l’expansion économique.
IL Y A ASSEZ DE DIVISIONS EN FRANCE POUR NE PAS EN CRÉER ENTRE LES GÉNÉRATIONS
Enfin, il faut tenir compte de la part d’irrationnel dans le comportement des Français. Une majorité refuse tout sacrifice et, pour ne pas être accusée de lâcheté devant l’adversité, fait de M. Sarkozy l’objet de son ressentiment, en puisant sa dialectique dans les critiques incendiaires de l’opposition, la combativité des grévistes et l’analyse des syndicats. On ne dira jamais assez que, dans l’attitude de lycéens qui se préoccupent de la fin de leur vie avant même d’avoir eu une jeunesse, il y a quelque chose de consternant qui tient sans doute à ce que l’on n’ait cessé d’expliquer aux Français, depuis 1945, que l’État s’occupe de tous ses administrés sans distinction et qu’il n’ont aucun souci à se faire. Ce message traduit un grand progrès, mais il est empoisonné. Il incite les enfants et les adolescents à ne même pas imaginer leur avenir. L’incertitude est le sel de la vie : à 15 ans ou même 20, je ne sais pas vers quelles contrées je voyagerai, quelles personnes je rencontrerai, qui j’aimerai, qui j’épouserai. Au « tout est possible » du romantisme, de la création ou de l’aventure, l’État a susbtitué le « tout est réglé » d’une existence normalisée comme du papier à musique. Et c’est parce qu’il ne peut plus tout régler qu’il est mis en accusation.
Nous comprenons tous que la vie est difficile pour les jeunes d’aujourd’hui, que les chances de trouver un emploi sont rares, qu’ils ne seront pas riches du jour au lendemain. La crise est anxiogène. Il n’empêche qu’opposer les jeunes aux vieux, ceux qui n’attendent que des souffrances à ceux qui auraient tout obtenu et tout pris, est absurde. Les générations récentes n’ont pas connu les guerres, ne font plus de service militaire, bénéficient d’une liberté merveilleuse (dont ils ne font pas, d’ailleurs, le meilleur usage), ont eu la semaine de 35 heures et la retraite à 60 ans alors que leurs grands-parents ne les avaient pas et que l’on ne trimait pas moins dans les années soixante-dix ou quatre-vingt qu’aujourd’hui. N’y a-t-il pas assez de clivages en France pour ne pas en créer entre les générations ?
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