La crise l’euro

Doutes allemands

Publié le 09/06/2010
Article réservé aux abonnés
1278944344163424_IMG_38779_HR.jpg

1278944344163424_IMG_38779_HR.jpg
Crédit photo : AFP

ENTRE-TEMPS, les ministres des Finances de la zone euro s’étaient réunis à Bruxelles où ils ont fait du bon trvail, en finalisant le plan de stabilisation de 750 milliards et en adoptant ce qui semblait impossible, le droit de regard de la Commission européenne sur les projets de budget nationaux. Lancée par la Commission, l’idée a été dénoncée par nombre de Parlements nationaux, attachés à leurs prérogatives. Mais les événements vont plus vite que la réflexion des élus. Le « package » Europe-FMI de 750 milliards n’a pas convaincu les marchés et l’euro continue à baisser par rapport au dollar. Notre ministre de l’Économie, Christine Lagarde, a rappelé une fois de plus que la baisse de l’euro est une excellente nouvelle pour les exportations françaises et donc pour nos entreprises. Chacun sait cependant que si la baisse de la monnaie unique est dictée par la défiance qu’elle inspire, c’est mauvais signe.

La désunion prolonge la crise.

Depuis son début, la crise de l’euro est plus psychologique que liée à de mauvais paramètres. L’Europe est moins endettée que les États-Unis et acheter du dollar est une politique de Gribouille. La crise s’est amplifiée parce que les gouvernements de la zone euro n’ont pas réagi de manière unitaire et déterminée. Angela Merkel, confrontée à une opinion publique exaspérée par les comportements grecs, ne s’est associé que du bout des lèvres au dynamisme de Nicolas Sarkozy, qui a perçu le danger, pour les pays du du Sud de l’Europe et pour la France, d’une faillite contagieuse. Dès lors que l’Allemagne n’avait pas envie de payer pour les Grecs et le faisait savoir, elle ne risquait pas de payer pour d’autres. Il s’en est suivi une rupture de l’axe franco-allemand, Paris et Berlin tirant dans deux directions opposées. Convaincus que la Grèce devait quitter la zone euro et constatant qu’elle n’en ferait rien dès lors que les institutions européennes et le FMI lui apportaient un répit, ce sont les Allemands eux-mêmes qui se sont demandé s’ils ne devaient pas prendre le large. Leur position est inspirée par leur indignation, mais aussi par le sentiment de leur force. L’euro, c’est l’Allemagne. S’il est fort, c’est parce que le deutsche Mark aurait été fort. Et s’il s’affaiblit, c’est parce que les autres pays de la zone ne peuvent pas aligner des fondamentaux économiques et financiers comparables à ceux de l’Allemagne.

LE PLAN D’AUSTÉRITÉ ALLEMAND MET LA ZONE EURO DEVANT LE FAIT ACCOMPLI

Sans même s’adresser à Nicolas Sarkozy, Angela Merkel donne le ton. Elle adopte un plan de rigueur que, en France, on jugerait disproportionné (mot très à la mode) par rapport à ses déficits et à sa dette. Si l’Allemagne vertueuse se serre encore plus la ceinture, la voie est clairement tracée non seulement pour les Grecs, mais pour les Français et les autres. Le 14 juin, Mme Merkel et M. Sarkozy pourront parler sereinement de tout et de rien. Mais la chancelière a déjà mis notre président devant le fait accompli : si la France ne se convertit pas immédiatement à l’austérité, elle sera broyée. Aucun pays de la zone euro ne peut se permettre aujourd’hui d’accumuler des déficits. Cela signifie que, dans ce concours d’ascèses nationales, la zone euro vivra sous tension. Il n’est pas exclu qu’elle explose. Il n’est pas exclu qu’un certain nombre de pays quittent l’euro car, aux yeux des Allemands, ou bien la monnaie unique est réservée aux pays dont les budgets tendent à l’équilibre ou bien l’Allemagne changera de monnaie. Le gouvernement français est engagé dans la préparation d’un plan de réduction des dépenses, de rabotage des niches fiscales, d’augmentation probable des prélèvements sociaux. La réforme des retraites et un régime minceur pour l’assurance maladie font partie du programme. Notre plan pour 2013 n’est pas moins ambitieux que celui de l’Allemagne. On a vu ce que cet effort coûte politiquement à Mme Merkel. On n’est pas sûr que M. Sarkozy sera en mesure de vaincre les résistances politiques à une régime d’austérité.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8787