Face à Lakshmi Mittal, François Hollande, la semaine dernière, n’a pas désavoué son ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui s’était publiquement exclamé : « Nous ne voulons plus de Mittal en France ! ». Le mot, bien sûr excessif, cachait une volonté beaucoup plus rationnelle qu’il n’y paraît : il n’existe plus aucune bonne raison pour accepter des pertes d’emplois.
EN SE DRESSANT, outragée, contre l’attitude du président, la présidente du Medef, Laurence Parisot, a cru faire son travail. Elle a invoqué le droit de propriété qui, en aucune circonstance, ne doit être un vain mot. Mais M. Mittal continue, au cœur d’une crise de la sidérurgie qui angoisse tout le pays, à défendre des positions axées uniquement son son propre intérêt : il veut bien vendre des hauts fourneaux déficitaires, mais il veut garder la transformation (rentable) des métaux. Alors que le gouvernement cherchait et aurait trouvé la solution d’un repreneur qui préserverait l’ensemble de Florange, donc ses quelque 700 emplois.
Un rapport de force plus équilibré.
Il est tout à fait logique que le gouvernement s’oppose à la disparition progressive de la sidérugie française et qu’il utilise à cet effet des moyens inattendus. À crise exceptionnelle, remède exceptionnel. Le pouvoir ne peut donc céder ni à la perplexité, ni à la panique, ni à la notion d’un droit de propriété qui devient un dogme quand le propriétaire affiche son indifférence au sort de ses salariés (et quand il met en danger la totalité de la sidérurgie). Il faut aussi comprendre que la nationalisation partielle et provisoire d’une usine n’a rien à voir avec la vague des nationalisations du début du mandat de Mitterrand. Autrefois, il s’agissait d’appliquer une doctrine socialiste triomphante, aujourd’hui, il est seulement question de protéger des emplois. On retiendra de la sortie de M. Montebourg qu’il est allé, comme à son habitude, bien plus loin qu’il n’en a les moyens. Mittal emploie 20 000 salariés en France où il possède 150 sites industriels. Non seulement l’aciériste indien est chez nous pour y rester, mais il est très souhaitable qu’il reste. Cela, objectivement, complique la tâche du gouvernement, qui peut, en se montrant très décidé à nationaliser, introduire dans l’esprit de son interlocuteur, l’idée que, décidément, il s’est fourré dans un guêpier et qu’il devrait peut-être songer à délocaliser.
LA GUERRE DU DOGME CONTRE LE PRAGMATISME
Au moins le chef de l’État a-t-il établi avec l’industriel un rapport de force plus équilibré : les hauts fourneaux de Florange ne sont sans doute pas viables, mais il serait très compliqué de riposter à la menace de nationalisation du site par un abandon de toute la filière acier en France. Mittal, en outre, ne saurait prétendre qu’il a tout fait pour éviter le désastre. Quand il a acheté Arcelor en 2006, il a pris des engagements sur la relance de l’acier français qui lui ont permis de s’implanter dans notre pays. Il n’a pas tenu ces engagements, certes parce que la crise économique et financière a fait baisser de 20 % la consommation d’acier en Europe. Mais enfin sa réaction à la crise, si elle est classique, est très décevante.
Ce qui est absurde, c’est la bataille des dogmes à propos d’une affaire qui concerne une filière industrielle et les gens qui la font vivre. Le maire de Londres, le cocasse Boris Johnson, s’en pris à la nationalisation, version française, avec une virulence ironique. On ne voit pas d’où les Britanniques, certes astreints à une sévère cure d’amaigrissement de l’État, qui se traduit chez eux aussi par plus de chômage et moins de revenus, tirent une arrogance qui, du Premier ministre au maire de Londres en passant par « the Economist », leur permet de nous abreuver de sarcasmes. Si le salut d’une nation passait immanquablement par le libéralisme économique, ça se saurait, notamment au Royaume-Uni, qui gémit sous le bât de sa crise sociale.
Mais attendez ! Il n’y a pas que les Anglais qui exagèrent. Ne voilà-t-il pas que, à Saint-Nazaire, les ouvriers des chantiers navals, privés de commandes, demandent à être nationalisés ? Les propriétaires des chantiers, des Sud-Coréens, seraient effet sur le point de quitter la France en catimini en laissant la clé dans la serrure. Comment expliquer que le dogme de la nationalisation, sinon la pratique occasionnelle, est bien plus dangereux que celui du droit de propriété et que, si une solution exceptionnelle est trouvée à Florange, elle ne peut pas être appliquée sur tout le territoire, dès lors que nous restons fermement amarrés à l’économie de marché ?
La suggestion d’une nationalisation de Florange n’a justement de vertu que parce qu’elle serait dictée par l’épuisement de tous les autres moyens d’intervention. En d’autres termes, elle serait dictée par le désespoir. On ne peut pas aller chercher l’emploi avec les dents, comme le croyait Nicolas Sarkozy, on peut le préserver si on ne met aucun principe périmé en travers du pragmatisme.
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