Les Français sont parmi les plus réticents au monde à l'idée de se faire vacciner contre le Covid-19. Comment les inciter à se protéger, alors que la course aux vaccins s'accélère avec une mise à disposition annoncée dans les semaines à venir ? Les autorités sanitaires comme les représentants du corps médical misent beaucoup sur les généralistes pour l'incitation vaccinale.
« Si les données sont solides, nous pourrons donner le feu vert au premier vaccin contre le Covid-19 d'ici la fin de l'année et commencer la distribution à partir de janvier 2021 », a déclaré ce samedi 14 novembre le directeur de l'Agence européenne des médicaments (EMA) Guido Rasi, dans un entretien avec le journal italien Il Sole 24 Ore. Il avait reçu la veille les premières données cliniques de Pfizer pour son vaccin, annoncé efficace à 90 %.
L'Europe a d'ores et déjà commandé 300 millions de doses à Pfizer, et la France 50 supra congélateurs pour les stocker. Le 16 novembre, c'est Moderna qui communique à son tour des données préliminaires d'efficacité au moins aussi encourageantes pour son candidat vaccin.
En France, le gouvernement « se met dans les starting-blocks pour être prêt pour distribuer un vaccin contre le Covid-19 » dès janvier s'il est validé, et a budgété pour cela 1,5 milliard d'euros pour 2021, a assuré mardi son porte-parole Gabriel Attal.
« Quelque chose de l'ordre du conspirationnisme »
Mais des peuples européens, qui seront les premiers vaccinés ? La question se pose, car l'enthousiasme n'est pas unanime, et les Français pourraient bien figurer en queue de peloton des pays immunisés. Les sondages les plus récents relèvent que seule la moitié irait se faire vacciner (73 % à l’échelle mondiale) en cas de vaccin disponible. D'après une enquête Odoxa-Dentsu Consulting pour France Info et le « Figaro » publiée le 12 novembre, ils sont 60 % à se déclarer opposés à l'obligation vaccinale.
Nos concitoyens refuseraient-ils d'être une « génération cobaye » ? Près de 32 % des Français opposés au vaccin s’inquiéteraient des effets secondaires, d'après une étude Ipsos. Cette crainte liée au manque de recul scientifique n'explique pas tout. « Il y a en France quelque chose de l'ordre du conspirationnisme, qui fait relativiser des réalités scientifiques », relève Bruno Boyer, président de la section santé publique du Conseil national de l'Ordre des médecins.
Alors qu'il faut vacciner « plus de la moitié » de la population européenne pour « pouvoir assister à un déclin de la pandémie », d'après Guido Rasi, faut-il envisager un vaccin obligatoire pour la France, comme le préconisent Yannick Jadot et Daniel Cohn-Bendit ?
L'obligation vaccinale n'est pas à l'ordre du jour
La Haute Autorité de santé (HAS) ne recommande pas à ce stade d'obligation vaccinale. Tout d'abord parce qu'il n'y aura pas d'emblée une dose pour tout le monde, d'où une priorisation des populations à vacciner. Ensuite parce que le recul lui paraît encore trop modeste sur les effets secondaires. « Tout produit médicamenteux chemine à travers quatre étapes, relate Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations à la HAS. Celle qui nous intéresse, c'est la phase 3, lorsque l'on vérifie les effets attendus et l’innocuité ». Cette étape a commencé fin juillet pour Pfizer.
La phase 4 du processus, celle de la commercialisation, est conditionnée en Europe au feu vert de la Commission, après avis favorable de l'Agence européenne du médicament. Les pays membres pourraient dans la foulée faire diverger leurs politiques respectives. Certains rechigneraient à une obligation, par peur de l'effet inverse. « Particulièrement en France, redoute Bruno Boyer. Les réseaux antivax pourraient se radicaliser, risquant de faire basculer de simples hésitants dans la réticence vaccinale absolue ».
La transparence sur les essais
Comment alors composer avec le casse-tête sanitaire culturel qui s'annonce ? Lorsqu'un vaccin fiable et bien toléré sera disponible pour tous, les généralistes seront la clef de voûte du processus vaccinal, prévoit la HAS. Daniel Floret rappelle le caractère décisif de l'opinion du médecin traitant chez la plupart des patients, comme le relèvent les enquêtes. Inutile de perdre de l'énergie à convaincre les anti-vaccins, affirme-t-il. En revanche, les praticiens peuvent convaincre les hésitants, en déconstruisant les fake news divulguées par les antivax. « Ils insisteront aussi sur la bonne tolérance de ces vaccins disponibles, lorsque le recul sera là, précise Daniel Floret. Il faudra rester honnêtes sur les essais. La transparence est la clef d'un retour de confiance envers les institutions »
Quels autres leviers pour convaincre ? « Il faut éviter de dire aux hésitants qu'ils sont des nigauds », enseigne Bruno Boyer. Le Dr Paul Frappé, président du Collège de la médecine générale (CMG), abonde : « L'autoritarisme médical n'a plus lieu d'être. Nous sommes aujourd'hui dans la décision partagée, où les seuls arguments scientifiques ne suffisent pas ». Le praticien peut, par exemple, faire entrevoir un monde où le patient pourra voir ses proches sans craindre de les contaminer, suggère le patron du CMG, qui appelle les médecins à s'adapter aux personnalités : « Pour certains, la décision du vaccin arrive très vite. Pour d'autres, le processus décisionnel est plus long. Les brusquer pourrait être contre-productif. »
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