› DE NOTRE CORRESPONDANT
LE QUOTIDIEN - Le congrès accueillera des spécialistes américains : pourquoi, selon vous, les USA ont-ils tant de difficultés avec l’obésité, problème de santé publique pourtant connu et reconnu ?
Pr MARTINE LAVILLE - 30 à 40 % de la population américaine sont concernés. Les USA battent le record de prévalence, avec toutes les pathologies induites bien connues (diabète etc.). Mais l’obésité, concentrée jusqu’à présent dans les catégories pauvres de la population, tend à s’étendre aux classes moyennes - supérieures. Le surpoids pathologique, y compris au sein de ces populations culturellement et économiquement privilégiées, commence à être toléré : voilà le vrai phénomène nouveau. Certes, la femme du président, Michelle Obama, s’évertue, avec un certain succès, en tout cas médiatique, à tenter de faire évoluer mentalités et comportements. Ses priorités, concentrer les efforts sur les moins de quinze ans, encourager l’exercice physique, améliorer l’accès aux aliments frais sont judicieuses. Mais elles butent sur une réalité indépassable : dans tous ses aspects (vie sociale, habitudes alimentaires, transports, économie, urbanisme, etc.), la société américaine est obésogène. Peut-on dire que le pays met en œuvre ne serait-ce qu’un embryon de politique publique de lutte contre l’obésité ? J’en doute.
Quelle évolution l’obésité connaît-elle dans les pays d’Europe ?
Le lien entre niveau socio-économique et obésité est démontré depuis longtemps. Des pays émergents comme le Brésil, qui va bientôt rejoindre les chiffres américains, sont en train de le démontrer. La carte d’Europe, elle, n’a guère bougé depuis quelques années, avec une forte concentration de populations obèses surtout en Angleterre, en Finlande, ou encore dans les Länder de l’ex-Allemagne de l’Est. La France est en milieu de classement.
La chirurgie bariatrique est en plein essor (en Rhône-Alpes, l’Agence régionale de santé note par exemple une hausse de 53 % entre 2007 et 2011), entraînant environ 13 % de ré-interventions. En l’absence de thérapeutiques aisées d’accès et efficaces ... est-ce la seule voie d’avenir ?
Il y a vingt ans, des médecins parlaient de « chirurgie vétérinaire », d’autres évoquaient « un geste barbare » à propos des techniques de rétrécissement d’estomac. Les temps ont changé, les techniques ont progressé et il faut admettre qu’elles rendent service. Mais que constate-t-on ? Contre l’obésité, le médecin ne dispose pas de médicament. La diététique et l’éducation thérapeutique, peu coûteuses, restent ignorées par l’assurance-maladie, qui semble avoir opté pour l’efficacité à court terme en ne remboursant que la seule chirurgie, devenue ces dernières années une activité de niche rentable. Il est donc impératif d’en évaluer les risques et les bénéfices, dans la durée.
En confrontant les expériences, le congrès va-t-il participer à cet effort nécessaire d’évaluation ?
L’atout de notre association européenne réside justement dans l’acceptation de la confrontation des regards de différentes disciplines sur l’obésité, depuis la prévention jusqu’à la chirurgie, en passant par l’épidémiologie, la sociologie, l’ethnologie, la psychologie, la psychiatrie, la gériatrie, la biologie moléculaire. Chacun, avec ses moyens et sa perception, peut contribuer à l’étude d’un phénomène qui reste à bien des égards inconnu, et mystérieux.
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