Si l’opinion publique allemande se montre de plus en plus réservée face à la politique d’accueil des réfugiés menée par Angela Merkel, les médecins y restent très majoritairement favorables, même si quelques voix dissonantes commencent à se faire entendre.
Chirurgien à Berlin, le Dr Klaus Burghard coordonne, bénévolement, une centaine de médecins et de soignants qui viennent en aide aux réfugiés arrivés ces derniers mois dans la capitale. Pour lui, comme pour ses confrères, les agressions survenues à Nouvel An à Cologne sont le fait de « petits groupes de jeunes installés depuis longtemps en Europe, qui n’ont rien à voir avec les réfugiés syriens, irakiens et afghans » dont il s’occupe. De plus, ajoute-t-il, « nous avons accueilli un million de personnes et, dans une telle population, il est statistiquement normal qu’il y ait des délinquants parmi elles, comme dans n’importe quelle communauté ».
Manipulations populistes
Il déplore donc les « manipulations populistes » liées à l’exploitation des événements de Cologne et assure, au contraire, que les médecins et soignants gèrent aujourd’hui mieux l’urgence des réfugiés qu’il y a quelques mois.
« Nous donnons les premiers soins dans les centres d’accueil mais nous envoyons les réfugiés chez des médecins libéraux une fois qu’ils ont une carte d’assuré social. C’était un peu difficile au début mais, maintenant, il y a des plages de rendez-vous pour eux chez les médecins et tout est bien organisé », poursuit-il. S’il souhaite que le flux de réfugiés ralentisse en 2016, c’est surtout parce qu’il est « difficile de pouvoir accueillir tant de monde à la fois », mais il continue à soutenir le credo de Mme Merkel, « nous allons y arriver ».
Il rappelle qu’en 1945, l’Allemagne, exsangue et détruite, a su intégrer 12 millions de réfugiés des anciens territoires de l’est et que la situation actuelle est bien moins difficile. Dans deux ans, prédit-il, plus personne ne parlera des problèmes d’intégration des réfugiés.
L’Ordre engagé dans le soutien aux réfugiés
L’optimisme du Dr Burghard se retrouve au sein des organisations médicales officielles qui organisent de nombreuses formations pratiques pour aider les médecins à mieux prendre en charge les réfugiés. À l’image du président fédéral de l’Ordre, très engagé dans le soutien aux réfugiés, les ordres régionaux incitent les médecins à se mobiliser, et le ton n’a pas vraiment changé depuis ces dernières semaines.
Plus nuancée, l’association des dentistes s’est inquiétée, il y a quelques jours, des coûts que généreront les soins dentaires pour un grand nombre de réfugiés, « qui n’ont plus que des ruines dans la bouche » : selon elle, cela risque de coûter « jusqu’à 10 000 euros par personne » pour leur redonner une dentition convenable.
Si les médecins estiment qu’ils sont d’abord là pour exercer la médecine et soigner tous les patients qui ont besoin d’eux, cela ne les empêche pas d’avoir des opinions personnelles qui peuvent différer de la position officielle, admet le Dr Burghard. Par contre, ceux qui entendent adapter leur pratique à leur opposition sont ultra-minoritaires et doivent compter avec les foudres de leurs organisations professionnelles.
Les anti-réfugiés mis à l’index
Il y a quelques semaines, un généraliste d’Ellerfeld, en Saxe, membre du mouvement populiste de droite « Alternative pour l’Allemagne » (AFD) a déclaré publiquement qu’il ne voulait pas soigner de réfugiés, avant d’ajouter que s’il avait voulu le faire, « il aurait rejoint Médecins sans Frontières ». L’affaire a fait grand bruit dans les médias, et l’Ordre régional a envisagé de lancer une procédure contre lui, estimant qu’exprimer un refus de soin pour ce motif était contraire aux règles de déontologie.
Le praticien a préféré désamorcer l’affaire, expliquant que ses propos avaient été déformés et qu’il avait voulu dire qu’il ne soignerait pas de réfugiés tant qu’il ne serait pas certain d’être bien couvert en cas d’erreur. Certains médecins, en effet, s’inquiètent des problèmes de responsabilité qui pourraient survenir, alors qu’ils ne comprennent pas la langue du patient et qu’il n’y a pas assez d’interprètes.
La semaine dernière, la polémique sur les médecins « anti réfugiés » a rebondi, non pas en Allemagne mais en Autriche, après qu’un médecin viennois ait indiqué sur ses pages Internet et sur Facebook, qu’il ne souhaitait ni recevoir ni soigner de réfugiés. L’Ordre a engagé une procédure disciplinaire contre lui, d’autant que le praticien, qui refuse aussi de soigner « les élus socialistes et démocrates à l’origine de cette politique » est un néonazi notoire déjà sanctionné pour des propos du même ordre.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation