L’ENTHOUSIASME des Européens pour la révolution ukrainienne n’a pas empêché l’expression de multiples avertissements : il y a ceux qui notent que la révolution n’affecte vraiment que la partie occidentale du pays, alors que l’autre partie, la plus riche, reste viscéralement attachée à la Russie et n’entend nullement choisir l’aventure européenne ; ceux qui constatent la présence, parmi les émeutiers, de néo-nazis qui ont couvert la mairie de Kiev de croix gammées ; ceux qui rappellent que Iulia Timochenko, l’égérie de la révolution orange de 2004, qui fut Premier ministre et vient de sortir de prison, n’a pas la meilleure des réputations ; ceux qui craignent la partition du pays ; ceux qui estiment que l’Ukraine n’a pas d’avenir si elle coupe ses liens avec la Russie et qu’il faut que les gouvernements européens ménagent Vladimir Poutine.
Ce dernier argument est à la fois le plus fort et le plus contestable. Il met l’Union européenne, fondée sur des critères farouchement démocratiques, sur un pied d’égalité avec un régime qui ne respecte pas les droits de l’homme. Ce n’est pas la volonté de Poutine de préserver l’influence de son pays dans cette région du monde qui est en cause, c’est la méthode qu’il utilise pour y parvenir. Là où les pays membres de l’Union parlent de Constitution, d’élections libres, de droits de l’homme, Vladimir Poutine s’est servi d’un régime fantoche composé de dirigeants corrompus qui ont littéralement siphonné la richesse ukrainienne.
Une défaite pour Moscou.
Cela signifie-t-il que, dans l’euphorie de la justice retrouvée, l’UE doit se dresser devant Poutine et lui imposer ses solutions ? Ses dirirgeants se sont hâtés d’exprimer leur refus de la partition, d’une extension de l’Union à l’Ukraine, du financement hâtif d’une économie agonisante par les seuls fonds européens. Les révolutionnaires du Maïdan peuvent bien réclamer leur rattachement à l’Europe, ils ne pourront l’obtenir avant plusieurs années et si les conditions requises sont remplies. En revanche, l’idée d’entourer Poutine de toutes les preuves d’amitié alors qu’il ne cesse de haranguer les démocraties du haut de son trône comme si elles étaient les produits dégénérés de leur trop grande considération pour les libertés essentielles, est contre-productive.
Ce ne sont pas les Européens qui ont chassé Viktor Yanoukovitch, ce sont les rebelles de Kiev. Ce ne sont pas les Européens qui livrent une bataille contre l’influence russe, ce sont des Ukrainiens. Ce n’est pas un « complot occidental » qui a eu raison du régime, c’est la nullité néfaste du régime lui-même. On ne répétera jamais assez que, peut-être parce qu’il était trop absorbé par les jeux de Sotchi, Vladimir Poutine a laissé la crise ukrainienne prendre des proportions gigantesques ; qu’il n’a pas très bien compris que lorsqu’un gouvernement fait tirer sur de dissidents, même dans un pays de l’Est pas encore à la page, cela devient intolérable. Poutine est l’artisan de sa propre défaite.
Que son affaiblissement le conduise à des pensées revanchardes, qu’il tente de reconquérir le terrain perdu, qu’il risque fort de ne pas être à un bain de sang près, tout cela est probable. Et justement, il appartient à l’Union de lui faire entendre raison, ce qui implique de ne pas couper les ponts avec lui. L’arrogance de Poutine cache sa paranoïa. Il voit l’OTAN à ses portes, il craint la contamination démocratique comme la peste, il a déjà vu à Moscou des dissidents qui se sont dressés contre lui avec une vigueur à peine inférieure à celle des émeutiers du Maïdan.
Un accord est possible entre l’Union et la Russie sur la non-partition de l’Ukraine. Un autre est envisageable sur des élections qui désigneraient un nouveau président élu par toutes les composantes, russophones ou non, du peuple ukrainien. Un troisième peut être conclu sur le financement russe et international de l’Ukraine. Tout peut être accompli sans que l’Europe ne cède un pouce à Poutine sur les libertés.
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