« LA CRISE, on la sentait venir depuis des années. Je n’exclus pas de partir en France, où vit ma belle-famille, si ça tourne mal. J’y ai déjà envoyé ma fille ». Le Dr Christos Dimitriadis est médecin interne à Thessalonique. Comme lui, d’autres médecins grecs songent à l’exil, assure-t-il. Marre d’exercer au sein d’un système gangréné par la corruption, où la qualité des soins laisse à désirer. « Si je devais me faire opérer, je n’irai pas dans le public, je n’ai pas confiance, reprend le Dr Dimitriadis. Il n’y a qu’une infirmière pour 30 malades. Et je ne suis pas sûr de la qualité du stent ou de la prothèse à cause des intermédiaires. »
Le Dr Dimitriadis exerce dans le privé. Sa clientèle est aisée, il se dit à l’abri d’une baisse de revenus. « Mes rendez-vous sont maintenus, je n’ai pas eu à baisser mes tarifs. Mais un cardiologue m’a dit qu’il observe un transfert de sa clientèle vers l’hôpital, où les soins sont gratuits. »
Gynécologue libérale à Athènes, le Dr Liliana Colombero dresse le même constat. « Les gens évitent l’hôpital car les soins n’y sont pas très bons, mais là, ils y retournent pour accoucher. Cela crée une concurrence, les maternités privées baissent leurs prix. À partir de 1 400 euros en chambre à quatre lits ». Là où un accouchement était facturé une fortune, jusqu’à 10 000 euros, il y a encore peu...
La presse se fait l’écho de rabais importants consentis par les médecins grecs pour garder leur clientèle. Vrai ou faux ? « Ce n’est pas l’état d’esprit que j’observe », dément le Dr Colombero. Elle confirme en revanche que des patients reportent des soins : « Certaines femmes ont fait une croix sur leur suivi gynécologique. D’autres demandent l’examen le moins cher, même s’il est de moindre de qualité. Par exemple une mammographie normale au lieu d’une mammographie numérique. »
Sous la pression de l’Union européenne, le gouvernement grec met le pays à la diète. Deux mesures ciblent directement la santé. Économie escomptée : 1,4 milliard d’euros par an. Le prix des médicaments et du matériel médical va être réévalué, et la limitation des prescriptions, encouragée, via la mise en place d’un système informatique reliant les médecins, les hôpitaux et les pharmacies. « La Grèce est le premier consommateur de médicaments en Europe. Il y a des magouilles, des prescriptions inutiles. Le gouvernement veut ramener à la raison les prescripteurs », expose Charalompos Vélissaris, directeur de l’antenne du CNAM (Conservatoire national des arts et métiers) en Grèce, qui forme, entre autres, les gestionnaires d’hôpitaux.
Pertes de revenu à l’hôpital.
Impopulaire, l’économie de 10 % sur le salaire des 800 000 fonctionnaires a mis les Grecs dans la rue à plusieurs reprises. Jeudi dernier, une grève générale a paralysé le pays. Les médecins des hôpitaux publics vont perdre entre 4 000 et 6 000 euros par an. Ils devront rendre l’un de leurs 14 mois de salaire, tandis que leurs primes, gardes et astreintes, seront moins payées. En protestation, les praticiens ont réduit leur nombre de gardes. Début mars, ils ont été nombreux à cesser leur travail quatre heures d’affilée. Et ils étaient dans la rue jeudi dernier.
La question des effectifs est problématique. La clinique pédiatrique du département d’Evros, toute équipée depuis un an, n’a pas encore ouvert ses portes faute de personnel suffisant. L’hôpital de Volos n’a pu prolonger une centaine de contractuels, pourtant indispensables au fonctionnement des services. À l’hôpital d’Alexandroupolis, un poste sur deux est vacant. Difficile de remotiver les troupes dans ces conditions, sans compter que les salaires sont parfois versés avec plusieurs mois de retard.
« La réussite du plan dépendra de la capacité du gouvernement à contrôler le malaise social », anticipe Charalompos Vélissaris. S’il se garde d’être alarmiste, l’économiste n’en reste pas moins inquiet : « Les hôpitaux grecs doivent 6 milliards d’euros aux fournisseurs. Personne ne sait chiffrer l’ampleur de leur déficit car les hôpitaux sont en dotation globale, sans aucune comptabilité. Deux assureurs privés grecs ont fait faillite, ils devaient beaucoup d’argent aux hôpitaux. Les caisses d’État tardent à payer les établissements, l’ardoise s’alourdit sans cesse. La crise actuelle pourrait être l’occasion d’assainir la gestion de notre système sanitaire. Mais les acteurs sont-ils prêts à jouer le jeu ? Pas sûr, tant les intérêts en jeu sont complexes. La pratique du bakchich est ancrée dans l’esprit des gens qui espèrent ainsi être mieux soignés. » La semaine dernière, deux médecins d’Athènes ont fait la une des journaux, encadrés par la police. Un patient les a dénoncés. Il avait dû leur verser un dessous-de-table de 2 400 euros pour une opération plastique du nez.
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)