Virtopsie : quand radiologues et médecins légistes déterminent ensemble les causes de la mort

Publié le 16/10/2013
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Crédit photo : DR

A mi-chemin entre la médecine légale et l’imagerie médicale, le champ de l’autopsie virtuelle -la virtopsie- se développe depuis une dizaine d’années sous l’influence du professeur Michael Thali, à l’origine de cette technique mise au point en 2007.

Le service d’imagerie médicale de Marseille, dirigé par le Pr Jean-Michel Bartoli, est particulièrement en pointe dans ce secteur, avec le Pr Guillaume Gorincour, radiologue*. « Avant Michael Thali, seule la radio standard était utilisée en médecine légale, indique le Pr Gorincour. Il a eu l’idée de se servir des techniques modernes de l’imagerie en coupe (scanner, IRM) pour déterminer les causes de la mort. Du coup, les techniques classiques et virtuelles de l’autopsie se complètent. »

Les séries télé aident au recrutement

Les équipes marseillaises ont été parmi les premières en France à s’intéresser à ce travail et les séries TV très médiatiques des « Experts » ont permis d’amplifier le recrutement des jeunes. « Cela nous a aidé à recruter des jeunes internes, ou manipulateurs radio, qui se sont appropriés la spécialité, ça les rend très curieux. » De fait un partenariat avec la médecine légale s’est établi d’emblée. « On a réussi à se structurer assez vite et on a réalisé, plus de 300 scanners post mortem depuis 2009. »

Concrètement, le Pr Gorincour détaille : « L’autopsie virtuelle va notamment être demandée soit par le médecin qui va faire la levée de corps, soit éventuellement par le procureur, parce qu’il s’agit d’une affaire médiatique ou que l’on va avoir besoin d’une documentation un peu plus solide et objective, explique t-il. Avec le scanner, on peut stocker les données et les conserver, c’est important si une affaire est réouverte. Avec les reconstructions en 3D de scanner, on arrive aussi à montrer des données plus froides et moins chargées d’émotion que des photos d’autopsie. C’est plus souvent démonstratif. »

Les noyés et les calcinés

Ces examens de radiologie moderne mis au service de la médecine légale ont également révolutionné l’autopsie dans les cas très difficiles comme les accidents de plongée ou les corps calcinés. « Cette imagerie post mortem nous a fait progresser dans la compréhension des causes de la mort, indique d’emblée le Dr Mathieu Coulange, médecin au centre hyperbare de l’APHM. Alors que le diagnostic le plus fréquent dans ce type d’accident est la noyade, nous avons pu affiner le diagnostic, entre la noyade, l’accident de décompression ou l’accident cardiaque. Avec un scanner réalisé très précocement. »

Ces examens radiologiques évitent au légiste une immersion du corps obligatoire dans une autopsie classique, pour voir la présence d’air dans les vaisseaux. « Dans un scanner l’air se voit, et permet d’affiner d’emblée le diagnostic ». « C’est aussi le cas pour les corps calcinés, avec une dissection souvent difficile », ajoute le Pr Gorincour.

Dans de nombreux cas se pose la question basique : est-ce que la personne était vivante quand elle a été brûlée ? Le Pr Ben Salem met en évidence des signes de vitalité sur des scanners postmortem même sur des corps très calcinés et peut répondre avec certitude à la question. Cela révolutionne le diagnostic mais aussi influe sur les responsabilités en terme juridique, ou d’assurance.

L’Unité de recherche de Aix Marseille Université a lancé un travail de recherche avec son homologue montpelliéraine sur la mortalité périnatale ; et il en sera largement question dans le 3ème Congrès mondial de l’autopsie virtuelle, organisé à Marseille au printemps 2014.

*AP-HM et Aix-Marseille Université), élu le 14 mai dernier à Zurich, président de l’ISFRI (International Society of Forensic Radiology and Imaging, Société Internationale d’Imagerie Médico-légale)

HÉLÈNE FOXONET, correspondante à Marseille

Source : lequotidiendumedecin.fr