La Cour administrative d'appel de Versailles a annulé, par un arrêt rendu le 7 décembre, l'autorisation accordée le 9 mai 2016 par l'Agence de la biomédecine (ABM) à un protocole de recherche destiné à « investiguer les conséquences d’un dysfonctionnement mitochondrial sur le développement embryo-foetal humain, les moyens de les prévenir et de les traiter ».
Mené par les Prs Nelly Achour-Frydman et Julie Steffann de l'hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP), ce projet était autorisé pour une durée de cinq ans. Il a déjà été attaqué devant le tribunal administratif de Montreuil en 2017 par la Fondation Jérôme Lejeune, connue pour ses remises en cause récurrentes des recherches sur l'embryon autorisées par l'ABM. La justice avait alors donné raison à l'Agence et rejeté la requête de la Fondation Lejeune. Cette victoire en appel trois ans plus tard ne signe pas la fin de la procédure judiciaire : l'ABM prévoit de se pourvoir en cassation, a-t-elle indiqué au « Quotidien ».
Remplacement mitochondrial
Au cœur du contentieux, figure la méthode consistant à prélever des pronuclei (noyaux) de l'ovocyte fécondé d'une patiente atteinte de maladie mitochondriale puis à les transférer dans un ovocyte sain d'une donneuse, dont le noyau a été retiré, permettant ainsi à l'embryon de se développer dans un environnement avec des mitochondries normales. Cette partie du projet (la troisième et dernière) vise à savoir si ce transfert de pronuclei présente ou non des risques de dysfonctionnement, comme la perturbation du dialogue nucléo-mitochondrial, et s'il peut ouvrir la voie à une procédure de thérapie antigénomique aux stades précoces de l'embryogenèse humaine.
À noter, le protocole de recherche, entrepris pour des raisons thérapeutiques, prévoit que les embryons utilisés (donnés à la recherche par un couple en assistance médicale à la procréation) seront détruits à l'issue de la recherche, et qu'il n'y aura pas de modification dans le génome de la descendance. Contrairement à ce qui s'est passé en Grèce ou au Mexique, où deux naissances de bébés à trois parents ont été annoncées.
Définition d'un embryon transgénique
Dans sa décision, la Cour d'appel de Versailles considère que le « transfert de matériau d'ADN nucléaire aboutit à modifier une partie du patrimoine génétique de l'embryon qui reçoit l'ADN nucléaire d'un autre embryon ». Et d'y lire une « modification du patrimoine génétique, prohibée » par la loi de bioéthique de 2011 qui dit que « la création d'embryons transgéniques ou chimériques est interdite » (interdictions reprises dans la dernière révision du 2 août, qui précise en plus la notion de chimère).
À l’inverse, l'ABM ne considère pas qu'il y a création d'un embryon transgénique, « du fait que l'ADN nucléaire transféré au sein d'un autre embryon n'est pas modifié en lui-même, et qu'aucune séquence étrangère n'y est insérée ». Dans la décision du tribunal administratif de Montreuil en 2017, l'ABM faisait valoir une argumentation en deux temps : d'abord, le transfert de noyau sans modification de l'ADN ne peut être considéré comme une création d'un nouvel embryon ; ensuite, il n'y a pas transgenèse. « La transgenèse, ou modification du génome, implique nécessairement l'insertion dans l'ADN d'une séquence d'ADN étrangère, dite "ADN recombinant", provenant d'un autre génome. Or, le projet autorisé n'a ni pour objet ni pour effet de transférer des gènes étrangers dans l'ADN nucléaire des embryons utilisés », lisait-on déjà.
La prochaine étape en cassation pourrait débattre de la définition de l'embryon transgénique. En effet, la Cour d'appel observe que la loi « ne limite pas la notion d'embryon transgénique à un embryon dont seule la partie ADN nucléaire aurait été modifiée, ou ne réduit le génome de l'embryon au seul ADN nucléaire ».
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