« Le rôle de l'IRM multiparamétrique (IRM-mp) dans la prise en charge du cancer de la prostate est en pleine mutation, a écrit le Pr Olivier Rouvière, radiologue aux Hospices Civils de Lyon dans le « Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire » (BEH) en novembre 2016. Un point crucial de la recherche des prochaines années portera certainement sur la façon d'éviter des biopsies inutiles ».
L'étude britannique PROMIS publiée dans « The Lancet » est une pierre de plus pour accorder une place en 1re intention à l'IRM-mp avant les biopsies, comme examen de triage. « La valeur prédictive négative est très bonne, souligne le Pr Luc Cormier, urologue au CHU de Dijon. En cas d'IRM normale, on peut être quasi-certain de l'absence de cancer ».
L’équipe dirigée par le Dr Hashim Ahmed, urologue au NHS Foundation Trust de Londres, suggère, dans une étude chez 740 hommes ayant une suspicion de cancer de la prostate,- dont 576 au final -, que l'IRM-mp en première intention permettrait d'éviter des biopsies inutiles chez un patient sur quatre.
Un entre-deux aujourd'hui pour l'IRM-mp
L'IRM-mp est de plus en plus réalisée en France dans les centres experts et ailleurs. « Dans ses dernières recommandations de 2016, l'Association française d'Urologie (AFU) ne met pas l'IRM-mp en première intention, en l'absence d'un niveau de preuve suffisant, explique le Dr Nicolas Barry Delongchamps, urologue à l'hôpital Cochin. Aujourd'hui, c'est uniquement chez les patients à rebiopsier après une première série négative qu'il est conseillé de s'arrêter en cas d'IRM-mp négative. L'IRM-mp est utilisée aussi pour rajouter des biopsies additionnelles à celles systématisées. Mais à terme, l'objectif est bien de ne faire que des biopsies ciblées transrectales sous écho, grâce aux logiciels de fusion d'images IRM-écho, voire pas de biopsies du tout si l'IRM-mp est négative. »
Dans PROMIS, l'équipe britannique s'est focalisée à évaluer l'IRM et son efficacité à détecter les cancers par rapport aux biopsies systématisées par voie endo-rectale et aux biopsies réalisées par voie transpérinéale à l'aide d'une grille (« template »). Cette méthode dite TPM (pour « template prostate mapping biopsy »), très utilisée outre-manche et très peu en France, est considérée comme une méthode de référence, avec des biopsies hyper-rapprochées (intervalle de 5 mm). Compte tenu du caractère agressif de la procédure (sous anesthésie générale), les Britanniques s'intéressent de près à une méthode, qui serait aussi performante et moins traumatique.
C'est ainsi qu'indépendamment de l'IRM-mp réalisée en premier, chaque participant a eu deux séries de biopsies, des biopsies transrectales faites « au hasard » (12) puis des biopsies transpérinéales. Avec ces biopsies TPM de référence, sur les 576 hommes ayant fini l'étude, 408 (71 %) avaient un cancer, dont 230 (40 %) un cancer cliniquement significatif.
L'IRM-mp s'est révélée détecter mieux les cancers agressifs que les biopsies transrectales avec une sensibilité passant de 48 % à 93 %. Aucune méthode n'est parfaite, le design particulier de l'étude a permis de mettre en évidence que les biopsies TPM, elles aussi, ratent quelques cancers, 13 cas rattrapés ici grâce aux biopsies transrectales.
Moins de surdiagnostic, moins de surtraitement
Ici, pas d'évaluation de l'efficacité des biopsies ciblées. « En corrélant les résultats de l'imagerie aux biopsies, les chercheurs ont extrapolé que des biopsies ciblées permettraient de rattraper plus de 18 % de cancers cliniquement agressifs par rapport aux biopsies systématisées endorectales seules », explique Nicolas Barry Delongchamps. De plus le recours à l'IRM-mp diminue de 5 % le risque de surdiagnostic. « C'est moins de surtraitement à la clef, en rassurant à la fois le patient et le praticien », estime le Pr Cormier.
Pour Hashim Ahmed, « nos résultats montrent que l'IRM-mp devrait être réalisée avant les biopsies. (...) Même si l'association de ces deux interventions donne de meilleurs résultats que les biopsies seules, ce n'est toujours pas sûr à 100 % donc il est important que les gens soient suivis après leur IRM-mp. Les biopsies resteront nécesssaires en cas d'IRM-mp anormal, mais l'examen permettra de les guider et d'en faire moins et mieux ».
Tout n'est pas encore évalué concernant la place de l'IRM-mp. « Pour les biopsies ciblées, il existe une marge d'erreur liée à l'IRM, qui diminue avec l'entraînement des radiologues, explique Nicolas Barry Delongchamps. Il existe une marge d'erreur liée à l'opérateur, même avec les logiciels de fusion d'image, en raison du recalage au moindre mouvement, par exemple l'introduction de la sonde endorectale surélève légèrement la prostate. Les études en cours, dont MRI-FIRST menée par le Pr Olivier Rouvière à Lyon et PRECISION, vont apporter de nouveaux éléments de réponse ».
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