« Huit mille cancers de la thyroïde sont diagnostiqués chaque année en France, la moitié sont des micro-cancers qui ne compromettent pas le pronostic vital, il reste cependant 4 000 cancers cliniques dont 10 % vont rechuter après traitement ou générer des métastases à distance (pulmonaires, osseuses), indique le Pr Martin Schlumberger (Chef du service Médecine nucléaire et oncologie endocrinienne à Gustave Roussy). Un tiers de ces cancers métastatiques fixent et répondent à l’iode radioactif (I131), 2/3 ne sont pas accessibles à cette première thérapie ciblée utilisée depuis 1943. La médiane de survie est alors de 3 à 5 ans. »
Cancers papillaires
Durant les vingt dernières années, la compréhension de la biologie moléculaire des cancers de la thyroïde a progressé. Parmi les cancers papillaires de la thyroïde, 96 % présentent des mutations sur la voie de signalisation des MAP-Kinases. « Fort de ce constat, l’objectif a été de développer des molécules bloquant la transduction des messages de la voie des MAP-Kinases, les ITK (inhibiteurs de tyrosine kinases), et interférant avec l’angiogenèse, qui sont les anomalies majeures retrouvées dans ces tumeurs », a expliqué M. Schlumberger. Le lenvatinib (Lenvima, Laboratoire Eisai), inhibiteur de nouvelle génération de l’angiogenèse et des kinases de RET et C-KIT, a montré, dans l'étude de phase III, SELECT(1), randomisée en double aveugle contre placebo, une amélioration significative de la survie globale (objectif secondaire) des patients atteints d'un cancer de la thyroïde différencié réfractaire à l'iode radioactif progressif (RR=0,53; p =0,0051). Les patients inclus (n = 392) présentaient des signes radiographiques de progression de la maladie dans les 13 mois précédant l’inclusion.
Les résultats ont montré que la médiane de survie sans progression (objectif principal) était de 18,3 mois sous lenvatinib (n = 261) contre 3,8 mois sous placebo (n = 136), HR = 0,21. « Cette amélioration est considérable et n’avait jamais été observée avec d’autre traitement en monothérapie », indique le spécialiste. Le taux de réponse objective était de 65 % des patients traités. Les mêmes bénéfices ont été observés chez les patients qui avaient déjà été traités par un autre inhibiteur de kinases. La majorité des réponses tumorales a été observée rapidement dans les 2 mois suivant le début du traitement. Le lenvatinib a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) de la Commission européenne en mai 2015 pour le traitement du cancer de la thyroïde différencié réfractaire à l'iode radioactif progressif, localement avancé ou métastatique chez les patients adultes.
Contrôler et suivre la PA
Notons, parmi les effets indésirables les plus fréquents : l’hypertension et les troubles digestifs. Préalablement à la mise sous traitement, il faut donc contrôler et suivre la pression artérielle (PA). Eisai a déposé une nouvelle demande d’AMM auprès de l'Agence européenne du médicament (EMA) pour l'utilisation du lenvatinib en association avec l'évérolimus, dans le traitement des patients atteints du carcinome à cellules rénales avancé ou métastatique non résécable, ayant été prétraités par une seule thérapie ciblée anti-VEGF (facteur de croissance de l'endothélium vasculaire). En France, le laboratoire Eisai marque des points en oncologie depuis 5 ans grâce à une petite équipe et un pipeline dynamiques : éribuline (Halaven, indiqué dans le cancer du sein avec d'autres développements en particulier dans les sarcomes) et aujourd’hui lenvatinib (Lenvima…).
(1) Martin Schlumberger et al. Lenvatinib versus Placebo in Radioiodine-Refractory Thyroid Cancer. N Engl J Med 2015 ; 372:621-630.
D’après un symposium Eisai organisé dans le cadre des 12è Biennale monégasque de cancérologie
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