Y compris dans les formes progressives de la maladie

La SEP, des avancées tous azimuts

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Publié le 29/05/2017
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sep IRM

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Crédit photo : MEHAU KULYK/SPL/PHANIE

Alors que l'arsenal thérapeutique s'est largement enrichi dans les formes rémittentes de la sclérose en plaques (SEP) ces vingt dernières années, les formes progressives, pourtant plus agressives et plus dégénératives, sont longtemps restées le parent pauvre de la recherche. Mais les choses sont en train de changer.

« Avec l'arrivée récente du Tecfidera, de l'Aubagio et bientôt de l'alemtuzumab, du daclizumab et de l'ocrélizumab, la difficulté aujourd'hui dans les formes à poussées est davantage de choisir le traitement optimal pour chaque patient, observe le Pr Thibault Moreau, neurologue au CHU de Dijon et président du comité médico-scientifique (CMS) de l'ARSEP*. Même pour les anciennes molécules, il y a une actualité avec l'interféron bêta pégylé à 1 injection/15 jours et la copaxone qui passe d'une injection/jour à trois/semaine ». 

Dans les formes progressives, qu'elles soient primaires ou secondaires, la situation est très différente avec peu de traitements à proposer et sans grand effet. Mais la recherche s'intéresse de plus en plus à ces formes difficiles.

« Même si les effets sont encore limités, l'arrivée de deux molécules, la biotine et l'ocrélizumab, est un signal positif en ce sens, estime le Pr Thibault Moreau. Les formes progressives, c'est un enjeu majeur pour l'avenir que les sociétés savantes défendent au niveau international ». Pour le Pr Jean Pelletier, neurologue au CHU de Marseille et chercheur au sein du programme DHUNE, ces récentes avancées ont de quoi donner confiance aux firmes pharmaceutiques et les convaincre de revenir tester de nouvelles molécules.

Biotine et ocrélizumab, des signaux positifs 

La biotine (vitamine B8 ou vitamine H), testée pour la première fois dans un essai français, est déjà disponible sous ATU, avec 6 500 patients traités sur le territoire. « L'objectif de notre essai était de montrer une amélioration des troubles de la marche, explique le Pr Jean Pelletier. C'est ce qui a été observé chez 13 % des patients ». Cette molécule, facile à manier et à associer, est en cours d'évaluation à l'agence européenne (EMEA) et une étude vient d'être lancée aux États-Unis et au Canada.

Deux pistes sont envisagées pour expliquer le mécanisme d'action de la biotine à fortes doses. « La biotine augmente l'apport énergétique à l'intérieur des neurones, explique le Pr Pelletier. Il est possible que cela contribue à potentialiser l'influx nerveux dans une fibre démyélinisée ». Seconde explication, la biotine étant une coenzyme nécessaire à la myélinisation, cette vitamine pourrait entraîner une remyélinisation, « ce qui n'est pas encore démontré », précise le Pr Pelletier.

L'ocrélizumab, cet anticorps monoconal anti-lymphocyte B (LB) développé par les laboratoires Roche, déjà autorisé par la FDA fin mars 2017 et en cours d'évaluation à l'EMEA, pourrait être mis à disposition en France « dès le début de l'année prochaine », espère le Pr Pelletier. « Cet immunosuppresseur puissant ralentit d'un quart la progression du handicap », se réjouit le Pr Moreau.

Des pistes innovantes

Les formes progressives semblent elles-aussi pouvoir tirer bénéfice des greffes de cellules souches hématopoïétiques (GCSH), proposées prioritairement dans les formes à poussées. « Les greffes de moelle posent globalement beaucoup de questions dans la SEP, rappelle le Pr Pelletier. Les GCSH peuvent donner des résultats efficaces et prolongés à 10 ans, mais le taux de mortalité, d'environ 5 %, est éthiquement difficile à accepter pour une utilisation a priori optimale en traitement d'induction, c'est-à-dire pour des stades peu évolués pour lesquels on dispose de nombreuses alternatives efficaces ». Un avis partagé par le Pr Moreau pour qui « ces stratégies lourdes nécessitent de déterminer le bon timing et le bon rapport bénéfices/risques dans des formes au départ explosives ou progressives, sachant que cela pourrait être remis en question par l'immunomodulation intéressante obtenue par une thérapie cellulaire plus facile à manier, la greffe de cellules mésenchymateuses ».

Une autre piste de recherche prometteuse concerne la remyélinisation et la réparation, le but poursuivi étant la neuroprotection. « Si les antiLINGO n'ont pas tenu toutes leurs promesses, d'autres médiateurs solubles susceptibles d'être remyélinisants sont à l'étude », explique le Pr Moreau. À l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) à Paris, l'équipe du Pr Catherine Lubetzki travaille sur la voie de l'autoréparation en stimulant des oligodendrocytes particulièrement paresseux au cours de la SEP. 

L'appui d'une imagerie de plus en plus sophistiquée

La recherche avance dans de multiples directions. « La piste du microbiote est très intéressante dans la SEP », relève le président du CMS de l'ARSEP. Pour le Pr Pelletier, il est important de continuer à progresser dans la compréhension de la physiopathologie de la maladie. « Les mécanismes sont différents dans les formes rémittentes et progressives, explique-t-il. La piste de l'auto-immunité, confirmée par la génétique, est la plus prometteuse. Un grand nombre de molécules dans la SEP ont des cibles différentes mais les mêmes résultats. C'est très étonnant ».

L'imagerie, qui a révolutionné la prise en charge de la maladie avec l'IRM, est un outil rêvé avec des techniques de plus en plus sophistiquées, comme le PET Scan, l'IRM à haut champ (7 tesla) voire des IRM sodium ou phosphore. « L'imagerie à haute résolution est la seule permettant d'évaluer l'atteinte au niveau du neurone et de l'axone », poursuit le Pr Pelletier. L'IRM à très haut champ a même permis d'imager les lésions de la substance grise (SG). « Deux types d'inflammation très différents ont été mis en évidence, poursuit Jean Pelletier. Une inflammation très diffuse au niveau de la substance blanche, que l'on pense collée à l'évolution par poussée et une autre très compartimentée dans la SG, que l'on rapporte aux formes progressives. Cela ouvre des perspectives pour la compréhension de la SEP. »

*ARSEP : fondation pour l'aide à la recherche sur la sclérose en plaques

** DHUNE https://www.dhune.org/

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9584