Premier constat : si ce champ de recherche fait en effet l’objet de tous les intérêts aujourd’hui, il n’est certainement pas nouveau. On peut ainsi faire référence au prix Nobel attribué à Julius Wagner-Jaureg en… 1927 !
La découverte des bénéfices de l’impaludation ou malariathérapie dans la syphilis tertiaire ainsi que dans d’autres troubles psychiatriques a durablement influencé la psychiatrie. Les liens entre inflammation et psychiatrie ne sont, en effet, pas univoques : il ne s’agit pas uniquement de caractériser les effets délétères d’une inflammation cérébrale dans les pathologies psychiatriques, puisqu’une forte inflammation peut se révéler bénéfique.
Plus récemment, l’explosion des sciences de la complexité dans les années 1970-1980 a donné lieu à de nombreux échanges entre sciences cognitives d’une part et immunologie d’autre part. Deux disciplines confrontées à des systèmes complexes, avec de remarquables transfuges tels que Francisco Varela.
30 % de pharmacorésistants
Alors pourquoi une telle renaissance aujourd’hui ? Pour deux raisons essentiellement. La première, c’est la relative impasse dans laquelle nous nous trouvons d’un point de vue thérapeutique. Quelle que soit la pathologie psychiatrique concernée, environ 30 % des patients relèvent de la pharmacorésistance, c’est-à-dire de bénéfices insuffisants de nos traitements usuels. Il faut donc changer de perspective pour découvrir de nouvelles pistes thérapeutiques. Sortir, ainsi, des classiques hypothèses mono-aminergiques des pathologies psychiatriques, notamment l’hypothèse sérotoninergique de la dépression.
Caractérisation des modifications immunitaires
La seconde raison est liée aux progrès technologiques : les techniques de biologie moléculaire et cellulaire, et de biochimie, permettent aujourd’hui de caractériser des modifications immunitaires dont on pouvait seulement formuler l’hypothèse il y a peu. On peut ainsi mesurer les fluctuations des cytokines, des métabolites du tryptophane, les changements de populations lymphocytaires, le background génétique, etc.
Qui plus est, des anticorps anticytokines pro-inflammatoire permettent le contrôle de maladies inflammatoires tels que la polyarthrite rhumatoïde, et sont désormais à l’étude dans la dépression. Mais aussi de petites molécules qui font l’objet de tous les espoirs en oncologie : l’immunothérapie est une révolution thérapeutique dans bon nombre de disciplines, et pourrait bien l’être demain en psychiatrie.
De nouvelles pistes thérapeutiques
Lors du 15e congrès de l’Encéphale, qui aura lieu du 18 au 20 janvier 2016, Robert Dantzer, professeur à l’Université du Texas au sein du très prestigieux MD Anderson Cancer Center à Houston, interviendra sur ce thème. Ses travaux pionniers dans le champ des liens entre inflammation et dépression font de lui l’un des leaders mondiaux de l’immunopsychiatrie. Il a tout particulièrement contribué à la dissection fine du métabolisme du tryptophane, dérivé en situation d’inflammation vers la production de kynurénines, dont des composés neurotoxiques agonistes des récepteurs NMDA au glutamate comme l’acide quinolinique.
Ses travaux ont ouvert de nouvelles pistes thérapeutiques autour de l’inhibition enzymatique de l’IDO ou de la KMO dans la microglie, autour de la compétition sur la barrière hématoencéphalique avec la leucine, ou encore plus récemment autour des effets anti-inflammatoires de la kétamine.
CH Sainte-Anne, Paris
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