C'est la première fois qu'une telle surface de peau, la quasi-totalité du corps, est remplacée par une greffe à partir d'un jumeau homozygote. L'équipe de centre de traitement des brûlés dirigée par le Pr Maurice Mimoun de l'hôpital Saint-Louis (AP-HP), en collaboration étroite avec celle du Pr Alexandre Mebazaa en anesthésie réanimation, a sauvé un jeune homme de 33 ans victime d'un accident de travail ayant entraîné une brûlure au 3e degré à 95 %.
C'est une prouesse médicale inégalée. Les chances de survie sont quasiment nulles pour ce niveau de surface brûlée. Après un peu plus de 4 mois au centre des grands brûlés et 6 mois en rééducation, le patient est rentré à domicile. « Franck a récupéré même dans des zones qu'on n'espérait plus, se réjouit le Pr Mimoun. Il a récupéré l'ensemble du visage, les mains sont fonctionnelles, et il continue de récupérer ».
Quand un cercle vicieux devient vertueux
Personne n'imaginait une telle évolution quand Franck est admis à l'hôpital Saint Louis en septembre 2016. « Tout le monde faisait la tête, se souvient le Pr Mimoun. On savait que ses chances de survie étaient pratiquement nulles. Jusqu'à ce que le lendemain arrive son frère jumeau Éric le lendemain, qui s'est tout de suite porté volontaire pour donner sa peau. Il était prévenu qu'il risquait de garder des marques et que l'on n'était pas sûr de sauver son frère. Sans l'énergie de cette famille, on n'y serait pas arrivé. Rien n'aurait été possible sans la mobilisation et la solidarité d'une chaîne de professionnels médicaux et paramédicaux. »
Les grands brûlés meurent de leur peau brûlée pour deux raisons, explique le chirurgien parisien. « Il n'y a plus la fonction barrière et la peau brûlée est un poison, détaille-t-il. C'est pourquoi les anesthésistes maintiennent en vie et les chirurgiens enlèvent la peau brûlée, le temps que la peau régénère pour une surface ≤ 50 %. Pour une surface entre 60-70 %, c'est beaucoup plus difficile d'attendre, alors on a recours à des greffons en sandwich, avec des greffons de peau issue de donneur. Cela permet de gagner du temps et d'être tranquille pendant trois semaines, avant que le greffon soit rejeté ». Le traitement immunosuppresseur est formellement contre-indiqué chez le grand brûlé compte tenu du risque élevé d'infection. Dans les cas rares de greffe entre jumeaux, le receveur garde la peau de son frère donneur sans rejet.
Trois doubles interventions de greffe
Cette chirurgie hors norme s'est déroulée en 3 doubles interventions au 7e, 11e et 44e jours. « Chaque jour compte, souligne le Pr Mimoun. L'Agence de la biomédecine a donné les autorisations avec une incroyable réactivité ». Les deux frères ont donc été opérés au même moment par deux équipes de chirurgiens dans deux blocs contigus.
Chez le donneur, l'équipe a fait en sorte de limiter au maximum les marques. « Le cuir chevelu présente plusieurs avantages, explique le Pr Mimoun. La fine couche de peau prélevée régénère très vite et sans laisser de cicatrice avec la repousse des cheveux ». Le cuir chevelu a été prélevé 2 fois, le dos et les cuisses une fois. Du côté du receveur, les zones prioritaires à greffer sont les mains, le thorax, les jambes, « toute la face antérieure, résume le Pr Mimoun, le dos est fait en dernier lieu ».
La surface prélevée chez le donneur correspond à 45 % de la surface. « Cela a suffi pour couvrir les 95 % », explique le chirurgien. Comment ? « Des techniques classiques chez les grands brûlés permettent d'expandre les feuilles de peau, qui se trouent comme des bas résille, poursuit-il. La surface est multipliée par 3 ou 4 et les petits trous cicatrisent en 10 jours. »
Pour le Pr Mimoun, c'est aussi une grande preuve scientifique. « C'est possible de guérir des grands brûlés à 95 %, se réjouit le Pr Mimoun. Cette expérience est très instructive. Le cercle vicieux où la peau brûlée est un poison menant au choc et à la mort s'est transformé en cercle vertueux avec la greffe, puisqu'il y a eu cicatrisation mais aussi régénération. Si on disposait d'une peau universelle, comme de donneurs universels pour les groupes sanguins, la procédure pourrait sauver les très grands brûlés. Ce n'est pas du rêve. Les chercheurs vont nous la trouver. On est à l'aube de découvertes qui vont changer la médecine demain ».
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