L'alimentation peut interférer avec l'efficacité des médicaments et une étude californienne publiée dans « Cell Chemical Biology » apporte du grain à moudre dans ce champ de recherche assez peu exploré jusqu'à présent.
Selon l'équipe du Scripps Research Institute (TSRI) à San Diego, l'exposition à des composés œstrogéniques alimentaires diminue l'efficacité de l'association palbociclib/letrozole dans le cancer du sein, plus précisément le sous-type positif pour les récepteurs œstrogènes positifs (ER +) et négatif pour les récepteurs HER2 négatifs (HER2-).
Les xénoestrogènes sont suspectés d'être des facteurs de risque dans les cancers hormono-dépendants (œstrogène et progestérone) et HER2-, qui totalisent 70 % des cancers du sein.
Deux xénœstrogènes communs sont pointés du doigt en particulier dans l'étude, le zéaralénone, qui est une mycotoxine produite par des champignons infestant le maïs, l'orge ou le blé, et la génistéine, un isoflavone produit par des plantes, notamment le soja. « Il y a une forte probabilité pour que d'autres xénœstrogènes neutralisent la thérapie de la même façon », estime Gary Siuzdak, directeur de la plateforme de métabolomique du TSRI.
Une AMM récente en Europe
De ces résultats obtenus sur des cellules de cancer du sein, le chercheur américain tire des conséquences en pratique : « Les patientes ayant un cancer du sein prenant palbociclib/letrozole devraient essayer de limiter leur exposition à des aliments qui contiennent des xénoestrogènes. »
Le palbociclib en association avec un inhibiteur de l'aromatase, comme le letrozole, a obtenu l'AMM aux États-Unis en 2015, et en Europe en novembre 2016. La bithérapie s'est révélée capable de doubler la survie sans progression chez les femmes ménopausées ayant dans le cancer du sein avancé métastatique ER+ HER2-. En France, dans un avis de mai 2017, estimant le service médical rendu important, la Commission de la Transparence s'est prononcée en faveur du remboursement du médicament.
Une neutralisation quasi-totale in vitro
Pour ce travail, l'équipe a réalisé le profil métabolomique des cellules tumorales exposées à l'un des deux agents puis à l'association des deux. L'analyse montre que ni l'un ni l'autre des anticancéreux n'a d'effet marqué sur les métabolites des cellules ER+. En revanche, l'association des deux s'avère avoir un impact remarquablement large, confirmant ainsi les données cliniques.
Les chercheurs ont testé l'impact de deux xénœstrogènes sur l'efficacité de la bithérapie anti-œstrogénique. Même à de faibles doses, comparables à l'exposition alimentaire, les chercheurs rapportent que les deux xénoestrogènes neutralisent en grande partie l'impact métabolomique de l'association anticancéreuse. Sous l'influence de l'un ou l'autre des xénœstrogènes, les cellules cancéreuses prolifèrent au même rythme qu'en l'absence de traitement.
Pour Benedikt Warth, chercheur au TSRI et premier auteur : « De façon générale, nous connaissons très peu de choses à propos des interactions des composés bioactifs auxquels nous sommes exposés à travers l'alimentation ou l'environnement avec les médicaments. Donc, dans ce champ, il y a probablement beaucoup de découvertes cliniquement pertinentes à faire. »
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