Un « amorçage » augmente l'efficacité de la chimiothérapie

Des vasodilatateurs relancent la piste du stroma dans le cancer du pancréas

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Publié le 06/04/2017
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Cancer pancréatique lors d'une endoscopie du duodénum

Cancer pancréatique lors d'une endoscopie du duodénum
Crédit photo : PHANIE

La piste du stroma intéresse de plus en plus les chercheurs dans le cancer du pancréas. Des chercheurs de Sydney apportent, in vitro et chez la souris, les premières preuves d'efficacité de l'administration séquentielle et transitoire de vasodilatateurs inhibiteurs de Rho kinase (ROCK) avant la chimiothérapie dans ce cancer agressif.

Dans ses travaux publiés dans « Science Translational Medicine », l'équipe dirigée par Marina Pajic et Paul Thimpson à l'institut Garvan pour la recherche médicale et de la faculté de médecine de la Nouvelle-Galles du Sud, a utilisé des technologies de pointe. La microscopie optique intra-vitale a permis de mettre en évidence en temps réel et en 3 dimensions l'effet du Fasudil, un vasodilatateur déjà autorisé au Japon dans le vasospasme artériel cérébral.

Les scientifiques ont montré que l'administration du Fasudil dans les 3 jours précédant la chimiothérapie améliore la réponse au traitement via deux leviers facilitant l'accès vers la tumeur : le stroma et le système vasculaire.

Aujourd'hui, une autre approche ciblant le stroma est bien avancée dans le cancer du pancréas avec le PEGPH20 (Halozyme) qui est actuellement testé en phase 3 dans les tumeurs surexprimant l'acide hyaluronique (AH). L'inhibition de ROCK s'affirme comme une nouvelle approche intéressante pour modifier la microarchitecture tissulaire péritumorale, cette stratégie ayant prolongé la survie et diminué les métastases hépatiques.

Primitif et secondaires

Le cancer du pancréas ne peut être opéré d'emblée que dans 10-15 % des cas. La chimiothérapie a fait des progrès, notamment avec le nouveau standard associant la gemcitabine et le nab-paclitaxel. Néanmoins, l'allongement de la survie, passant de 6,6 mois à 8,7 mois, reste modeste dans les cancers avancés et des approches alternatives et multimodales sont nécessaires.

Dans leurs travaux, les scientifiques démontrent que le Fasudil améliore l'efficacité de l'association gemcitabine+nab-paclitaxel à la fois au niveau du primitif mais aussi des localisations secondaires, avec un doublement de la durée de survie chez la souris. De plus, contrairement à ce qui avait été observé précédemment, loin de faciliter les micro-métastases, l'administration du vasodilatateur a freiné le processus en empêchant les cellules tumorales de se créer une niche fibrotique, selon les auteurs.

Le Dr Thimpson explique : « Il y a eu une ancienne et brûlante controverse dans la recherche sur le cancer à propos de la question de savoir si le fait de cibler le stroma rend les tumeurs pancréatiques plus sensibles au traitement (...) Nous avons montré pour la première fois qu'il est crucial de traiter le stroma d'abord et la tumeur ensuite, et d'ajuster précisément le temps de traitement de façon à maximiser l'effet, tout en minimisant les effets secondaires. »

Médecine de précision

Sur la question de l'adaptation au plus juste du vasodilatateur, les scientifiques rappellent que l'identité moléculaire est hautement hétérogène dans le cancer du pancréas. Les chercheurs rapportent avoir constaté, à l'aide d'une imagerie de pointe (SHG) à haut débit, une forte hétérogénéité des profils en collagène de la matrice extracellulaire dans la cohorte ICGC.

L'observation des biopsies tumorales humaines montre qu'il existe une réponse graduelle au Fasudil selon le profil en collagène. « Des taux élevés de collagène fibrillaire pourraient servir de biomarqueur pour identifier les patients qui tireraient le plus de bénéfices à manipuler de façon transitoire la matrice extra-cellulaire avant la chimiothérapie », écrivent les auteurs. Ce résultat est comparable au PEGPH20, qui utilise le taux d'acide hyaluronique comme biomarqueur. La piste du stroma semble bien s'inscrire dans une médecine de précision.

Les chercheurs australiens souhaitent maintenant tester l'approche dans des essais cliniques, alors que de nouveaux inhibiteurs de ROCK, comme le Ripasudil récemment autorisé par la FDA dans le glaucome ou d'autres encore en phase 2, pourraient être de bons candidats. 

 

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9570