Le cancer même sans métastase est une maladie systémique. Une étude publiée dans « Science » apporte une démonstration supplémentaire dans le cancer du poumon.
En l'absence de métastases, le cancer du poumon stimule l'os et la moelle osseuse stimulée favorise en retour la croissance du cancer, révèlent des chercheurs de la faculté de médecine d'Harvard.
Ces découvertes sur les ressorts fondamentaux de l'immunité tumorale ouvrent la voie à de nouveaux biomarqueurs de progression et de nouvelles interventions dans le traitement anticancéreux.
Les cellules myéloïdes, des régulateurs clefs
Les cellules myéloïdes sont des régulateurs clefs connus de la croissance tumorale dans un éventail très large de cancers. Mais que se passe-t-il exactement au niveau de la moelle osseuse en cas de cancer situé à distance ?
Pour répondre à cette question, l'équipe de Mikaël J. Pittet de la faculté de médecine de Harvard a choisi de prendre comme objet d'étude un cancer fréquent, l'adénocarcinome du poumon.
Première observation, les scientifiques montrent qu'en cas de cancer, chez la souris et chez l'homme (70 patients), la masse osseuse est plus élevée par rapport aux sujets sains.
Échange de bons procédés
Seconde observation, il existe un dialogue à distance entre le cancer et la moelle osseuse. D'abord, le cancer stimule l'activité du stroma osseux, notamment les ostéoblastes exprimant l'ostéocalcine. En « échange », ces cellules médullaires particulières déclenchent l'infiltration par un sous-type de neutrophiles, appelés SiglecFhigh, qui favorisent la croissance tumorale.
Ces neutrophiles protumoraux favorisent l'angiogenèse, la différenciation et le recrutement de cellules myéloïdes, le remodelage de la matrice extracellulaire, la suppression de la réponse T et la croissance de la prolifération des cellules tumorales.
Les chercheurs montrent de plus que les neutrophiles SiglecFhigh produisent davantage de dérivés réactifs de l'oxygène, facilitent la différenciation des macrophages et favorisent la progression tumorale in vivo.
En particulier, l'équipe met en évidence qu'un récepteur soluble des produits terminaux de glycation avancée (ou sRAGE) est surreprésenté chez l'animal et in vitro en cas d'activité ostéoblastique augmentée et lors de la maturation des neutrophiles induire par les ostéoblastes.
Deux cibles d'intérêt dans le cancer
Les chercheurs reviennent sur l'augmentation de la masse osseuse en cas de cancer, une observation à l'inverse de ce qui se voit dans des tumeurs parathyroïdiennes ou plus généralement chez des patients en cours de traitement anticancéreux. Les scientifiques expliquent avoir sélectionné uniquement des patients avant traitement et exclu ceux avec comorbidités, ayant pris un médicament confondant (biphosphonate, glucocorticoïde, anticancéreux), syndrome paranéoplasique et métastases osseuses.
Ces récents résultats concordent avec de précédentes données sur le rôle protumoral des neutrophiles chez l'animal et chez l'homme, soulignent les auteurs. « Un ratio neutrophile/lymphocyte élevé dans le sang est associé négativement à la survie globale dans de nombreux cancers solides, y compris celui de du poumon et que l'infiltration de l'adénocarcinome pulmonaire par les neutrophiles est fortement liée à un moins bon pronostic », est-il rappelé dans l'étude.
L'immunité tumorale réserve sûrement encore bien des surprises. Il est possible que le cancer stimule d'autres cellules résidentes de la moelle (adipocytes, cellules endothéliales, cellules hématopoïétiques, neurones) et que ces dernières répondent à leur tour à la tumeur de façon distincte. C'est un pas néanmoins important que vient de faire l'équipe de Mikaël J. Pittet. « Notre étude positionne les ostéoblastes exprimant l'ostéocalcine et les neutrophiles SiglecFhigh comme des biomarqueurs cliniques pertinents et des candidats privilégiés pour les traitements anticancéreux », concluent-ils.
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