Une enveloppe de 105 millions de livres sterling, soit plus de 122 millions d'euros. C'est le montant alloué à Genomics England (1) que vient d'annoncer le secrétaire d'État à la Santé et à la Protection sociale du Royaume-Uni, Matthew Hancock, pour un vaste programme public visant à séquencer le génome entier de 100 000 nouveau-nés.
Ce programme doit évaluer la faisabilité de l'entrée du séquençage néonatal dans le soin courant outre-Manche sous tous ses aspects - pratiques, éthiques et organisationnels - ainsi que la perception du grand public. Les premiers séquençages seront effectués en 2023, et il est prévu que l'étude dure trois ans.
Des fonds supplémentaires ont également été accordés pour financer des programmes visant à « améliorer la précision et la vitesse du diagnostic du cancer ». Genomics England va réaliser le séquençage du génome de 25 000 personnes d'origine non européenne, afin d'améliorer la représentativité des profils génomiques. Au total, 175 millions de livres sterling (plus de 204 millions d'euros) sont investis dans la recherche et la médecine génomique.
Un enfant sur 190
Selon les estimations faites par l'équipe du Pr Mark Caulfield, auteur d'un rapport qui préconisait la mise en place du séquençage génome entier pour les nouveau-nés, « environ un nouveau-né sur 190 au Royaume-Uni naît avec une maladie dont la prise en charge précoce peut lui changer la vie. Dans la majorité des cas, cette prise en charge se limite à une intervention sur les modes de vie ou l'alimentation, ou une supplémentation en vitamines, et dans seulement 8 % des cas, il s'agit de traitements coûteux ».
« Le séquençage systématique permettrait de détecter des centaines d'autres maladies rares, dont certaines sont traitables dès les premières années de vie, rapporte Genomics England dans un communiqué. Le Newborn Genomes Programme va aussi apporter une aide vitale à la recherche, afin d'améliorer traitements et outils diagnostiques. »
Des réactions enthousiastes…
Pour le Pr Ewan Birnez, directeur adjoint du laboratoire européen de biologie moléculaire, cité par Science Media Center, « Genomics England est parti d'un projet spécifique, celui des 100 0000 génomes, et est maintenant en passe d'établir les bases solides d'un service national de séquençage du génome entier, le premier d'une telle échelle dans un grand pays », se réjouit-il.
« Le Royaume-Uni ne peut pas se contenter de simplement investir dans la recherche génomique » et les plateformes de séquençage, réagit pour sa part Louise Fish, qui dirige la Genetic Alliance (2). « Il faut aussi consacrer des moyens et de l'argent dans les services de génétiques de la NHS, des médecins pour ces consultations et une force de travail administrative pour que les patients tirent vraiment parti de ces innovations », souligne-t-elle.
... mais aussi des critiques
D'autres voix sont plus critiques, à l'image de celle de la Pr Anneke Lucassen, directrice du centre de médecine personnalisée à l'université d'Oxford. « Pourquoi maintenant ? Alors que la NHS est à genoux et a clairement d'autres priorités !, interroge-t-elle. Sommes-nous préparés au niveau d'incertitude que va introduire le séquençage du génome ? » La spécialiste rappelle que l'information génomique dépend largement du contexte et un variant génétique seul prédit rarement clairement la situation future. « Allons-nous détourner des ressources qui devraient normalement être consacrées aux enfants souffrant de maladies rares ?, s'inquiète la Pr Lucassen. L'immense majorité des 100 000 bébés qui vont entrer dans l'expérimentation auront des résultats normaux, seule une minorité en tirera un bénéfice, et pour une autre minorité, le résultat les laissera dans l'incertitude. »
Également critique, le Pr Angus Clarke de l'institut de cancérologie et de génétique à l'université de Cardiff estime que « le recours au séquençage du génome entier n'est pas guidé par une volonté d'améliorer un programme de dépistage mais par celle de développer la recherche et d'avoir une ressource à même de guider la prise en charge des individus tout au long de leur vie », analyse-t-il. D'après lui, cela pose plusieurs problèmes en termes de sécurité et de stockage des données : « Comment s'assurer de leur intégrité tout au long de la vie des individus, compte tenu de l'évolution rapide des standards informatiques et des moyens d'interprétation des données génomiques ?, poursuit-il. Il y a aussi la question de l'utilisation secondaire des données : qui y aura accès et comment ? Il faut qu'il y ait un débat public. »
Le Pr Clarke craint également une surcharge de travail pour la NHS, « au moment où elle fonctionne avec seulement 90 % du personnel dont elle a besoin, 80 % des sages-femmes, 60 % des personnels de santé communautaire et moins de 90 % des médecins généralistes. Ces personnels sont essentiels pour obtenir le consentement des familles et fournir un soutien postdiagnostic », et notamment un soutien psychologique « quand aucun traitement n'est disponible ».
(1) Genomics England est un grand plan national visant à développer la médecine génomique, à l'image du Plan Médecine France Génomique 2025.
(2) ONG britanique investie dans la recherche sur les maladies génétiques.
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