La désorientation spatiale observée dès les premiers stades de la maladie d’Alzheimer serait due à l’accumulation de protéine tau dans les neurones excitateurs (et non inhibiteurs) du cortex entorhinal, entraînant leur perte et une sous-activité du GPS du cerveau, révèle une équipe de la Columbia University (New York). Cette découverte chez la souris pourrait aider à perfectionner les tests cognitifs pour détecter le plus tôt possible la maladie d’Alzheimer, et développer de nouvelles approches thérapeutiques.
« Notre étude montre que la pathologie tau s’accumule uniquement dans les neurones excitateurs du cortex entorhinal (et épargne les neurones inhibiteurs), affectant ainsi les cellules de grilles, des neurones importants pour la mémoire spatiale », explique au « Quotidien » le Pr Abid Hussaini, qui a codirigé avec le Dr Karen Duff (Columbia University à New York) l’étude publiée dans la revue « Neuron ».
« Cette étude est la première à montrer un lien entre les cellules de grilles (“grid cells”) et la maladie d’Alzheimer », s’enthousiasme le neuroscientifique norvégien Edvard Moser. En 2005, les époux Edvard et May-Britt Moser découvraient les cellules de grilles, la seconde composante du système de géoposition (GPS) du cerveau, plus de 30 ans après la découverte des « cellules de lieu » par l’Anglo-Américain John O’Keefe. En 2014, les trois neurochercheurs ont été récompensés par le prix Nobel de médecine pour leurs travaux sur le GPS du cerveau.
Cortex entorhinal sous l’hippocampe
Environ 3 personnes sur 5 atteintes de la maladie d’Alzheimer développent des difficultés à s’orienter dans l’espace, d’abord dans les lieux nouveaux puis les lieux familiers, et s’égarent ; cette désorientation spatiale est souvent l’un des premiers symptômes de la maladie. Or, le cortex entorhinal, situé sous l’hippocampe et jouant un rôle essentiel pour la navigation et la mémoire spatiale, est l’une des premières structures cérébrales qui est affectée par l’accumulation d’enchevêtrements neurofibrillaires, composés en majorité de protéine tau. Jusqu’ici, personne n’avait été capable de montrer comment la pathologie tau pouvait conduire à des difficultés de navigation.
Hongjun Fu et coll. ont étudié un modèle animal : une souris transgénique qui accumule la protéine tau humaine principalement dans le cortex entorhinal (CE). Ils montrent que la pathologie tau chez ces souris âgées s’accompagne d’une perte des neurones excitateurs dans le CE, d’une baisse d’activité des cellules de grilles, et de troubles de la mémoire spatiale. Ainsi, la pathologie tau, en épargnant les cellules inhibitrices, perturbe l’équilibre entre les neurones excitateurs et inhibiteurs et diminue la décharge des cellules de grilles.
Tests cognitifs et jeux de mémoire spatiale
« Cette étude montre clairement que la pathologie tau débutant dans le cortex entorhinal peut conduire à des défauts de décharge des cellules de grille et sous-tend la détérioration de la cognition spatiale dans la maladie d’Alzheimer », commente le Pr Eric Kandel, prix Nobel et directeur du Kavli Institute pour la Recherche cérébrale à la Columbia University.
Interrogé par « le Quotidien » sur les implications de cette découverte, le Dr Hussaini estime que « cela permettra d’affiner les tests cognitifs standards (tel que le MMSE) en recourant à de meilleurs exercices de mémoire spatiale pour détecter plus tôt la maladie ». Il souligne qu’un groupe britannique a développé un jeu de mémoire spatiale, une application appelée Sea Hero Quest, qui pourrait aider à identifier les personnes atteintes de démence. « Cette app a été utilisée par plus de 2,5 millions d’individus (majoritairement sains), mais il reste à savoir si les résultats permettent d’identifier les démences », explique-t-il.
Invitation à la prudence
« Pour les options thérapeutiques, certains chercheurs se concentrent sur l’immunothérapie et les mécanismes visant à éliminer les excès de tau dans les neurones. La stimulation électrique (stimulation cérébrale profonde ou stimulation magnétique transcrânienne répétée) représente une autre option, mais puisque la protéine tau n’affecte pas tous les types cellulaires, on doit être prudent afin de ne pas endommager les autres neurones ou aggraver la maladie en propageant tau à d’autres régions », prévient le Dr Hussaini évoquant les travaux de l’équipe du Dr Duff qui a récemment montré que l’excitation neuronale de tau pouvait favoriser sa propagation (Nature Neuroscience, Wu et coll, 20 juin 2016). De plus, conclut-il, « tau n’est qu’une partie de l’histoire et nous nous intéressons aussi à la bêta amyloïde. Étant donné l’échec de nombreux essais, nous prenons du recul et essayons de mieux comprendre quel est son rôle sur la fonction du neurone avant de tenter de l’éliminer ».
Neuron janvier 2017, Hongjun Fu et coll
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