Approche décentralisée, réarmement des soins de ville, patient actif

Un think tank vise le consensus pour une réforme systémique de la santé

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Publié le 24/11/2020
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Fruit d'un travail collaboratif, l'Institut Santé a présenté une synthèse de propositions en vue d'un nouveau modèle de santé dès 2022. L'approche par territoires et le renforcement des soins primaires sont au programme.

Après la publication fin 2019 d'un livre plaidoyer, réclamant une réforme globale de la santé, l'économiste Frédéric Bizard persiste et signe, toujours dans une approche collaborative. Son think tank, l'Institut Santé*, vient d'exposer la synthèse d'une conférence** nationale de consensus réunie fin juillet sur la refondation de notre système de santé. Au menu : refonte de l'organisation des trois secteurs (hôpital, ville et médico-social), de la santé publique, de la gouvernance des soins et du financement.

Le fil rouge est clair : à rebours du pilotage étatique, il est urgent d'instaurer une gouvernance des soins unifiée décentralisée dans les territoires, assise sur une vraie démocratie sanitaire – l'État stratège déléguant la gestion opérationnelle à une assurance santé rénovée (ex-UNCAM). Pour réussir ce décloisonnement, « il faut réunir les trois grands secteurs de soins au niveau de chaque territoire, avec un bassin défini de population », résume le Pr René Frydman, membre de l'Institut Santé. Objectif : gérer la santé à partir des besoins des usagers et non plus à partir de l'offre de soins. Un Parlement citoyen régional de la santé – avec représentants des collectivités, patients, médecins et paramédicaux – permettrait d'éclairer la stratégie. Ces territoires couvriraient en moyenne 120 000 habitants, soit 500 à 600 secteurs réévalués tous les cinq ans.

Contrat thérapeutique

Au cœur de la révolution des soins primaires, la médecine de ville serait « renforcée dans ses missions, ses moyens et ses fonctions universitaires et de recherche ». « Les professionnels de santé de ville doivent être mobilisés sur des missions de santé comme l'accès aux soins pour tous, la coordination, le maintien à domicile ou la prévention selon les besoins », énumère le Pr Olivier Saint-Lary, président du conseil scientifique du Collège national des généralistes enseignants (CNGE). Pour le think tank, la réalisation effective des objectifs fixés permet d'accéder à un certain nombre de financements et de ressources technologiques. En matière de permanence des soins, le collectif plaide pour le développement de maisons médicales de garde (MMG) pluriprofessionnelles, soit à proximité des hôpitaux soit au cœur des territoires les plus isolés, pour gérer les urgences non vitales, régulées en amont. Les médecins participant seraient rémunérés sur la base d'un forfait de PDS-A, « équivalent à celui de l'hôpital ».

L'Institut Santé propose aussi de renforcer le rôle du patient dans la gestion du parcours de son ALD, à la faveur d'un « contrat thérapeutique » entre l'équipe de coordination (médecin, infirmier et pharmacien), le maladie et l'assurance santé.

Consultation citoyenne

Côté secteur public, le think tank défend « un hôpital autonome (dans sa gestion, son management, la flexibilité du temps de travail), immergé dans son territoire de santé », un des objectifs étant de renforcer l’attractivité des carrières et la coordination des parcours. « Les politiques venues d'en haut ne sont plus adaptées, il faut réfléchir à une offre de soins coordonnée et non en tuyaux d'orgue », insiste le Dr Christophe Prudhomme, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF). Sa gouvernance doit associer les professionnels, usagers et élus ; et son financement davantage intégrer les spécificités populationnelles – la T2A étant cantonnée aux actes programmés et ponctuels. 

Souhaitant le basculement du centre de gravité de notre modèle « du soin vers la santé », le think tank veut faire de la santé publique une fonction centrale de l'État stratège. D'où la proposition d'un ministère régalien de Santé publique, avec loi de programmation sanitaire à cinq ans.

Les propositions seront débattues au cours d’une consultation numérique citoyenne, avant un nouvel ouvrage de synthèse en 2021. L'objectif est de nourrir (et si possible d'influencer) le débat politique sur la santé lors de l'élection présidentielle 2022.

* Centre de recherche citoyen, apolitique et indépendant destiné à penser la refondation du système de santé français

** Une trentaine d'institutions représentatives et parties prenantes du système de santé

Marie Foult et Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin