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Dossier

Réorganisation des services d'urgences : on fait quoi ?

Par Anne Bayle-Iniguez - Publié le 04/06/2018
Réorganisation des services d'urgences : on fait quoi ?

urgences
Phanie

L'heure des arbitrages sur les services d'urgences se rapproche. 

Fin 2017, Agnès Buzyn avait lancé un chantier « prioritaire » sur l'organisation des services d'urgences (SU). Objectif : appréhender « leur condition de fonctionnement, leur maillage, la gradation de l'accueil et de la prise en charge des patients » avant l'été 2018, période de tension chronique pour cause de pénurie médicale.

En janvier, Agnès Buzyn passait à l'offensive dans nos colonnes : « Nous pourrons être amenés à fermer certains services d'urgences de proximité la nuit », annonçait-elle au « Quotidien », évoquant la qualité du service rendu et le recours aux intérimaires dans les hôpitaux locaux. 

Dans certains établissements, la question des moyens humains aux urgences est devenue explosive. Les chefs de clinique, lassés d'être « commis d'office » pour réaliser des gardes au sein de services d'urgences, ont déposé un préavis de grève à compter de ce lundi. 

Alimentée par une série noire qui questionne la prise en charge des patients (Strasbourg, Tours, Saint-Etienne, Roubaix, Troyes, Cahors), la question des urgences est devenue centrale dans la réflexion que mène le gouvernement sur la réforme de l'hôpital. Emmanuel Macron doit annoncer un plan d'action dans les prochains jours.

Astreintes

Les travaux entamés par Ségur (la DGOS) et les urgentistes (AMUF, SFMU, SAMU-Urgences de France, CNUH) visent pour l'instant à anticiper les situations de tension aux urgences grâce à la création d'une boîte à outils à l'attention des hôpitaux. 

Car si la pénurie médicale n'est pas nouvelle, le problème s'est accentué, obligeant les hôpitaux à recourir massivement à l'intérim, à mutualiser des équipes multisite, voire à fermer des lignes de garde dans la précipitation. En 2015 déjà, le « Figaro » avait recensé 67 services d'urgences menacés de « disparition ». Cinq ans plus tard, la liste s'est allongée et les critères de restructuration ont changé. Le seuil des 10 000 passages annuels n'est plus évoqué. 

Le résultat de cette concertation s'est traduit par la parution vendredi dernier d'un premier décret au « Journal officiel », qui autorise la mutualisation de deux lignes de garde (service d'urgences et SMUR) en une seule « lorsque la faible activité […] le permet » (lire aussi notre reportage). L'AMUF dénonce un « passage en force » mais les autres organisations d'urgentistes sont plutôt favorables à ce dispositif.

L'unique médecin urgentiste pourra ainsi être épaulé par un confrère hospitalier (gériatre, anesthésiste) qui assurerait une « astreinte exclusive » sur site en cas de déclenchement du SMUR, « le délai d'arrivée du médecin étant compatible avec l'impératif de sécurité ». La fréquence des interventions SMUR en nuit profonde, le pourcentage de temps médical disponible dans le service et la fréquence d'arrivées de patients par heure sont les trois indicateurs identifiés. 

Selon les calculs du ministère, 136 services enregistrent moins de 22 500 passages et 1 250 sorties SMUR par an. Parmi eux, 44 ne dépassent pas 15 000 passages et 500 sorties SMUR...  

Autre idée pour soulager les services : la création d'un protocole de coopération pour les infirmiers urgentistes, d'un « pool régional d'urgentistes », l'exercice multisite (lire page 3) ou même l'appui de la réserve sanitaire.

Hollande et la promesse des 30 minutes

Sur le terrain, les agences régionales de santé (ARS), en train de finaliser les projets régionaux de santé (PRS), sont dans l'attente de directives ou de nouvelles recettes.

Le rapport de l'urgentiste Thomas Mesnier, dont devrait s'inspirer le gouvernement, recommande le développement de centres de soins non programmés (CSNP), des urgences reconverties en consultations de jour par des généralistes salariés de l'hôpital. Il n'en existe qu'une poignée en France. 

Dans le maillage territorial en construction, les services qui ne seraient plus reconnus comme sites d’urgences par les nouvelles dispositions réglementaires pourraient s’inscrire dans ce cadre, constituant le premier niveau de prise en charge des soins non programmés (hors urgences vitales). C'est ce que réclame l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes. En Occitanie, la tutelle sanitaire a identifié quatre échelons : consultation de médecine générale, soins urgents hospitaliers, soins urgents complexes en établissements référents et plateaux techniques « hautement spécialisés ».

En Normandie, l'ARS franchit le Rubicon en envisageant de réorganiser les SU/SMUR à faible activité en conservantla couverture d'accès à moins de 30 minutes « dans la mesure du possible »...

Anne Bayle-Iniguez